mardi 23 février 2010

Biographie Frère Cyprien (Paul Monty) (1905-1990)

C'est un grand qui nous a quittés, un vrai

saint, très imitable, que nous comptons de plus. (Frère Raymond Barbe)[1]

Frère Cyprien fut mon maître des novices et mon directeur spirituel. J’ai conservé de lui une correspondance spirituelle assidue de 1947 à 1964. Je ne puis que corroborer l’affirmation de son biographe : « Frère Cyprien était un vrai saint. »

Sa marque de sainteté? L’humilité.

Son Dieu? La Sainte Trinité. Il la considérait un peu comme le grand tout hindouiste dans lequel il faisait bon se fondre jusqu’à disparaître.

Sa règle de conduite? « Fais ce que dois », comprise un peu à la manière bouddhiste. celle de rechercher en tout le juste et le vrai.

Il m’a semblé que sa voie spirituelle. il l’avait tracée et dressée au jour le jour, par sa réflexion, ses lectures, et par ses expériences personnelles du divin.

Il avait lu les grands mystiques comme saint Jean de la Croix et Sœur Élisabeth de la Trinité, les petits et les simples, comme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et François d’Assise. Il les citait à l’occasion mais jamais pour faire montre de son savoir ou de ses propres expériences; toujours uniquement dans le but d’éclairer et de servir.

Avant même le Concile Vatican II, il avait déjà remis il avait remis sa foi chrétienne à l’endroit. La spiritualité de l’époque, en effet, mettait l’accent sur le salut à faire par la prière, les sacrifices et les engagements personnels. Frère Cyprien, lui, avait compris que le salut était déjà accompli en Jésus et que nous n’avions pas à conquérir le monde au nom de Jésus, à nous esquinter à gagner notre salut à la sueur de notre front et au bout de notre souffle. Nous en étions les bénéficiaires plus que les acteurs. Alors, l’action apostolique prenait alors une toute autre dimension. Il ne fallait pas faire le bien et tel bien à tout prix, mais le laisser humblement passer à travers sa personne. Le salut était un bien de famille. C’est dans la joie et la reconnaissance qu’on pouvait contribuer à le diffuser. Alors, tous les exercices spirituels connus, la prière, la mortification, la pénitence, etc. prennent un tout autre sens. Il ne faut pas se mortifier ou prier pour devenir saint ou pour quelque autre cause, pas même pour imiter Jésus souffrant.

On se devait d’accomplir tous ces exercices de piété dans la mesure où la communion avec Dieu ou avec le prochain par la prière enrichissait sa propre qualité de vie. « Un saint triste nous disait-il, est un bien triste saint ». Car c’est dans la joie et dans la sérénité que le Royaume de Dieu transparaissait le mieux en nous. La culpabilité, la fébrilité des actions apostoliques, les déceptions devant les résultats, etc. étaient des signes de l’opacité qui encombrait notre être et qui obstruait le rayonnement du salut.

Ces convictions, il les a laissé filtrer lentement à travers tout son être et pendant toute sa vie. Se décrivant lui-même dans « Moi, mes souliers »[2] il a laconiquement écrit ces quelques mots qui révèlent la profondeur et la richesse de sa spiritualité toute faite d’humilité et de renoncement : «Le moi est haïssable. Il faut donc en parler le moins possible, et même se taire complètement à son sujet. »

Pourtant, à beaucoup de points de vue, il était un être exceptionnel. Son biographe nous le présente comme « un homme très brillant, plus qu'intelligent, savant, d'une grande curiosité intellectuelle, une véritable encyclopédie ambulante. Il était passionné d'étude et de lecture ». (Op. cit. p.434)

Un homme extraordinaire qui « affectionnait particulièrement les choses simples et ordinaires de la vie, les moments de détente communautaire, les petites fêtes organisées,

les récréations enjouées et spontanées. » (Op. cit.p.436)

J’entends encore son rire sonore qui se répercutait en cascades et qui la plupart du temps valorisait nos moindres traits d’esprit. « Il était un vive-la-joie, avec qui il faisait bon prendre un peu de détente dans une conversation enjouée, dans une partie de cartes ou autour du piano. » (Op. cit.p.436)

--[if !supportFootnotes]-->[1] Cf. Annuaires des Frères du Sacré-Cœur, No 084, p. 431.

[2] « Moi mes souliers » était un cahier remis à chaque frère et dans lequel il était invité à rédiger son curriculum et ses principales réalisations. Dans le cahier du frère Cyprien il n’y avait à sa mort que cette courte phrase…

1 commentaire:

  1. Le petit frère Cyprien.
    Il t'a influencé, écris-tu Florian. Ne me fais pas de dessin. J'ai tout compris.

    De même, il m'aura doublement influencé. J'ai eu, c'était avant hier, ce grand pédagogue pour m'enseigner l'algèbre, la géométrie que j'avais à apprendre en onzième année.

    Faut croire que j'ai manifesté un goût prononcé, une passion certaine pour la manipulation des concepts mathématiques. Son attitude personnalisée envers moi m'a grandement valorisé sur le plan intellectuel. Il donnait confiance; j'étais une éponge. Faut que je te dise, que je "jactance" pour faire ressortir la personnalisation qu'il faisait de son enseignement.

    Bien en dehors du programme scolaire, il m'a initié au calcul astronomique. Il avait plein de cahiers manuscrits barbouillés de symboles qu'il m'a fait apprivoiser un tantinet. Dommage que je devais prendre la nuit pour dormir. Tout de même, ce monsieur Monty aura été une étoile que j'aurai pu approcher.

    Il ne fut pas le premier à m'ouvrir aux nombres rébarbatifs pour trop de gens. En dixième année, la cruche que j'étais avait perdu son bouchon grâce au grand frère Maurice Desrochers (Repentignois!). Une charnière dans mon développement, lui aussi.

    La deuxième influence que j'ai intégrée du pédagogue Monty fut sa méthode d'enseignement des mathématiques. Faut dire qu'il pouvait agir ainsi du fait de la clientèle « choisie » qui buvait son enseignement... Il entrait en classe avec, comme seul document, le réponsier du livre dans lequel nous trouvions théories et exercices. Après un bref exposé qui ne remplissait pas les tableaux, il émettait quelques consignes et la ruche se mettait à mieller. Les espaces entre les pupitres devenaient son champ de bataille à l'ignorance. Il lui arrivait parfois de sortir de sa manche à large rebord, un carré de papier qui lui servait de mémo. Le réponsier était laissé aux élèves. Nous nous sentions responsable de notre apprentissage.

    Dans ma carrière de « prof-de-math », j'ai eu fréquemment des groupes d'élèves qui me donnaient envie de leur intelligence. Des belles têtes. Avec eux, je jouais la méthode Monty. Parfois un potache me faisait une remarque du genre « comment ça se fait que tu saches tout ça par coeur; tu r'gardes jamais dans le livre? ».

    C'est simple à comprendre. Monty regardait les étoiles, pas les livres.

    … ooo...000

    Sur la rue Notre-Dame, à la Pointe-aux-Trembles des années 40-50, habitait le frère de Cyprien. Près du Collège Roussin, mon collège. Je l'ai aussi connu du fait que son fils et moi étions dans la classe du frère Omer, 1er année 1949, jusqu'à la 7ième du frère Adrien 1956. Clément a peut-être connu ce petit gars rondelet dont j'ai oublié le prénom.

    Jacques duFleuve

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