mardi 9 août 2011

Annexe 8 (2) Frère Camille Hubert Houle

Agenor sur la toile

C'était en 1943. Au printemps, le 23 avril exactement, vers 6 heures du soir le vendredi-saint de cette année-là. Pâques et sa lune étaient alors à leur limite plus tardive. Rentrant de faire le train chez Ernest Allard, comme à l'accoutumée, j'ai aperçu le Frère Camille assis dans la berçante de la grande cuisine d'hiver. En grande robe noire, un petit crucifix jaune sur la poitrine, autour de la taille quatre rangs d'un cordon de laine noire qui se terminait par deux fascinants pompons. Le scapulaire à quatre plis, bien pressés et le petit capuchon miniature nous intriguaient aussi. Pourquoi ceci et cela aurions-nous aimé à lui demander. Nous n'osions pas, tellement il imposait le respect et l'admiration silencieuse.

Il avait apporté des cadeaux pour chacun des enfants. Clément, qui avait alors quatre ans, se souvient encore du petit avion de carton, lesté de plomb qu'il lui avait offert. S'il a peu volé dans la grange ce petit avion a sillonné longtemps le ciel de nos souvenirs.

Frère Camille, nom qu'il portait dans le temps, venait me chercher pour rentrer au Juvénat à Granby. Depuis les Fêtes, j'avais correspondu quelques fois avec lui. Ses lettres me fascinaient aussi par leur belle écriture régulière. C'était la coutume chez les Frères de faire à Pâques une entrée des jeunes de 7ième ou 8ième années. On voulait ainsi passer avant le séminaire qui faisait à l'été la rafle des jeunes talents.

J'étais prêt. Pour treize dollars maman m'avait acheté du "pedler" un habit bleu pâle comprenant un veston et une paire de pantalons bouffants (breetches) . Il y avait aussi une jaquette blanche pour la nuit, quelques débarbouillettes et serviettes de toile et, je me souviens, un outil rare alors, la brosse à dents avec, pour économiser, de la poudre à dents au lieu de la pâte plus dispendieuse.

Tôt le lundi de Pâques, après le train et un déjeuner aux crêpes, papa au volant de la Durant 1929, maman, Frère Camille et moi nous partions pour Granby. J'avais un peu le coeur gros car je savais que je serais longtemps avant de revenir. Mes frères et soeurs eux s'en foutaient royalement. Ils profitaient de leur congé et j'ai dû leur arracher des bonjours gênés et des poignées de mains qui cachaient mal des rires étouffés.

On avait prévu un arrêt pour dîner chez tante Rose et un coucher à St-Hyacinthe sur la rue Raymond. Dans la savane nous avons dû nous faire remorquer à deux reprises par des "teams" de chevaux tellement la route était minée de "ventres de boeuf".

Le lendemain, mardi le 27 avril à Granby ce fut vite fait. Un court instant dans le bureau du Frère Maxime qui me présenta mon ange-gardien, Yvon Jutras de la Visitation, puis le tour des casiers où maman m'a aidé à placer mon linge. De retour au parloir, on s'est dit un rapide bonjour, pas même le temps de pleurer, l'angélus avait sonné et il fallait rentrer au réfectoire. Frère Camille devait manger au réfectoire des Frères et repartir pour Ottawa dans l'après-midi après m'avoir salué rapidement. Je ne devais le revoir qu'à l'été. J'appris aussi par la suite qu'en retournant seuls à la maison papa et maman avaient pleuré "comme des veaux." Je ne devais retourner à la maison, ensoutané, que cinq ans plus tard, à l'été de 1948.

Ces courts instants avec Frère Camille ont suffi à faire naître et croître en moi une très grande admiration pour lui. Frère Camille enseignait à Ottawa. Parce qu'on y parlait l'anglais et qu'on envoyait dans ces écoles les frères les mieux qualifiés Frère Camille jouissait de ce fait d'un très grand prestige qui était rehaussé par les nombreux diplômes qu'il avait obtenus en peu de temps.

À l'été, le Frère Camille s'est présenté à moi avec non plus sa petite croix jaune mais avec une grande croix argent. Il venait de faire la grande retraite, vingt-et-un jours en silence, et de prononcer ses voeux perpétuels. Le crucifix blanc au lieu du crucifix or que l'on portait après les derniers voeux marquait un effort de guerre de la communauté.

Pendant cinq ou six ans mes contacts avec Frère Camille furent espacés et de courte durée. Il était de passage durant les vacances, à l'occasion de la retraite annuelle. mais il devait vite repartir pour continuer des études ou remplir les obédiences qu'on lui donnait toujours en Ontario ou dans l'Ouest.

En 1952, je crois, nous avons passé toute une vacance au camp de Chertsey. Il était professeur de psychologie pour les frères. Je n'étais pas inscrit à ses cours mais je me souviens des boîtes de fiches qui remplissaient l'espace en dessous de son lit. Il faisait alors une recherche à l'Université d'Ottawa sur les goûts. Ces boîtes de fiches, c'était des tests qu'il avait passés en différents milieux et qu'il devait dépouiller une à une afin d'étayer sa thèse sur la provenance des goûts et leur influence dans la psychologie humaine.

Travail de moine qui devait le préparer à une tâche plus gigantesque encore, celle de la généalogie.

Puis, en 1954, grande nouvelle dans la communauté, Mgr Blais de Prince-Albert prenait entente avec le Frère Rosaire, alors provincial et originaire de l'Ouest, pour ouvrir deux écoles dirigées par les Frères du Sacré-Coeur dans son diocèse en Saskatchewan. C'est le Frère Camille qui est désigné comme directeur fondateur de l'école de Zénon Park. Il y demeurera deux ans puis prendra la charge de la communauté de Prince-Albert.

Les diverses obédiences l'enverront successivement à Embrun, Alexandria, Haileybury, Timmins, et Cornwall.

Et en 1970 c'est l'archevêque d'Ottawa qui a besoin d'un chancelier pour le tribunal matrimonial. Le Frère Hubert reprendra alors le chemin de l'université de St-Paul à Ottawa puis ira compléter sa formation en droit canon à Rome pour occuper en 1971 le poste de chancelier à la défense du lien au Tribunal matrimonial de l'archidiocèse d'Ottawa. Il gardera cette fonction jusqu'à son transfert à Granby en 1993.

Et pendant tout ce temps le frère Hubert développe un hobby qui deviendra un grand arbre, celui de la généalogie.

Machine à écrire toutes les fiches ou presque des généalogies montées par Frère Hubert

Il m'a été donné de voir à Eastview tout un mur de tiroirs de fiches où il avait inscrit patiemment les actes de naissance, de mariage et de décès d'un grand nombre de paroisses du Québec et de l'Ontario.

Le Frère Julien était alors directeur de la manécanterie Meilleur. Il allait donner des concerts dans un très grand nombre de paroisses. Dans ces circonstances il logeait au presbytère et occupait ses temps libres à relever les actes des registres paroissiaux. Frère Hubert les transcrivait sur fiche, les classait et publiait des répertoires qui ont fait le bonheur d'un grand nombre de généalogistes.

Répertoires généalogiques publiés par le Frère Hubert

L'oeuvre ainsi accomplie par Frère Hubert est colossale. Les généalogies des familles Houle, Côté et Jutras qu'il a dressées, représentent une très petite fraction de ce qu'il a publié en fait de répertoires et de compilations de données de toutes sortes. La bibliothèque de Montréal a inscrit sur micro-film la plupart de ces fiches et la ville de Longueil a acheté toute sa collection en 1995.

La discrétion a toujours été une qualité charnière de la riche personnalité de Frère Hubert. C'est pourquoi nous connaissons très peu ce qu'il a réalisé.

L'humour fin et subtil, celui qui fait sourire sans éclat, trait d'une grande intelligence, a été cultivé avec beaucoup de succès par Frère Hubert. C'est ce qui rend agréable toute conversation avec lui. Sans trop qu'on s'en aperçoive la conversation prend des détours insoupçonnés et se termine souvent par une fine pointe d'humour, fleur de fascination et d'émerveillement.

Il y aurait beaucoup de choses à écrire sur Agenor qui n'a pas assez de trois noms pour porter toutes les richesses qu'il recèle. Je vous laisse le plaisir de les découvrir.

Florian Jutras

Curriculum vitae
Chronolotgie

Né à St-Cyrille de Wendover le 6 février 1918
Entrée au Juvénat des Frères du Sacré-Coeur le 28 décembre 1934;
Au noviciat le 15 août 1936; Premiers voeux le 15 août 1937;Voeux perpétuels le 19 juillet 1943

Nom en religion: Frère Camille S. C.(1936-1955) Nom en religion: Frère Camille S. C.(1936-1955)
- depuis, Frère Hubert A. Houle S. C.

Qualifications
1938:Dipl.d'enseignement sup. bilingue (Qué)
1940: Baccalaauréatg ès-arts - Un. de Montréal
1941: 1st Class Teaching Certificate (ont.)
1941: Baccalauréat en pédagogie - Un. Montréal
1945: Maîtrise en Psychologie - Un Ottawa
1952: H. S. Assissstant's Certificate (Ont.)
1954: Professional Teaching Certificate (Sask.)
1967: Intermediate Guidance Cert. (Toronto)
1973: Licence en Droit Canonique (Univ. St-Paul)
1973: Maîtrise ne Dr. Can. (Univ. d'Ottawa)

Obédiences
1940-53: Ottawa - Enseignant
1953-54: Études à Rome
1954: Eastview - Directeur d'école
1954-56: Zénon Park Sask. Dir. Ecole secondaire
1957-59: Embrun
1959-60: Alexandria - Directeur
1957-59: Embrun
1959-60: Alexandria - Directeur
1960- 65: Hailerybury Dir. École sec.
1965-68: Timmins Dir. École secondaire
1968-1970 Cornwall
1970-72: Université St-Paul Ottawa
1971: Grégorienne Rome - Chancelier au tribunal matrimonial Archi diocèse d'Ottawa - généalogie
1972-1980: Vicaire judiciaire au tribunal matrimonial Diocèse d'Ottawa
1980-87 Daly Ott. Tribunal d'appel du Canada - cause d'annulation de mariage
1987-93 Rés. Fullum Montréal Tribunal d'appel - Généalogie
1993-2002 retraite - Mont-Sacré-Coeur Granby
2004-2008 Infirmerie Maison provinciale Arthabaska
2008 ... Infirmerie Ancienne Lorette Québec