Frère Armand S. C. (Granby), inscrit à `l'Institut Jesus Magister pour l'année académique 1960-61, rappelle les principapux événements qui ont marqué sa création, ses buts, les lignes et les conditions de ce nouveau programme de l'Université du Latran.
mardi 31 août 2010
lundi 30 août 2010
L'Institut Jesus Magister - Les étudiants
Le 28 octobre 1959, avait lieu à l’Université du Latran en présence du Cardinal Micara, grand chancelier de l’Université du Latran, l’ouverture de la deuxième année académique de l’Institut Jesus Magister par son directeur le frère Anselmo E. C. Frère Maximien S. C. rapporte l’événement pour la Voix du Mont-Sacré-Cœur et dresse quelques statistiques concernant l’Institut et les frères des différentes congrégations qui y sont inscrits.
dimanche 29 août 2010
vendredi 27 août 2010
Studiorum Curriculum
Article publié dans La Voix du Mont-Sacré-Coeur par le frère Louis-Régis, S. C., directeur des étudiants, Frères du Sacré-Coeur, à Jesus Magiser.
(Double clic sur le texte pour l'agrandir)
vendredi 20 août 2010
jeudi 19 août 2010
EVANGILE APOCRYPHE DE JESUS MAGISTER
P R O L O G U E
Puisque beaucoup de mystères planent sur JESUS MAGISTER,
Puisque beaucoup de mystères planent sur JESUS MAGISTER,
j'ai osé, mes chers Théophiles, futurs provinciaux,
moi, qui fus depuis le début témoin de toutes choses,
de vous raconter tout
afin que vous vous rendiez bien compte de la valeur de l'institution
et que vous la nourrissiez, le temps venu, de solides unités.
Aux jours de sa Sainteté le Pape Pie XII, d'heureuse mémoire, une circulaire du Révérend Frère, aux ailes déployées comme un Saint Esprit, avait, on s'en souvient, couvert de son ombre toutes les provinces de l'Institut pour y faire s’incarner ce Jésus ardemment attendu par plusieurs Siméons de l’école moderne. La Nativité eut lieu à la Maison Généralice (musique : « Il est né le divin Enfant »), en présence du Révérend Frère récemment réélu (musique : « Il a gagné ses épaulettes ») à la suite du dernier recensement qui avait amené à Rome des frères de toute la terre. Le nouveau-né fut ainsi présenté par le Révérend Frère aux nombreux bergers (musique : (« Ça, bergers, assemblons-nous ») réunis à la Casa pour admirer le prodige.
FRÈRE LOUIS-RÉGIS, directeur. (34 ans) - (musique : simple accord)
Diplômé en Sciences religieuses de l'Université Laval, musicien accompli, à la fois professeur au Noviciat et recruteur de la province de Sherbrooke. Les rires saccadés qui s'étendent parfois sur des gammes inconnues des conservatoires et les ondulations harmonieuses qui naissent sous ses doigts gambadant allègrement sur le clavier témoignent de la béatitude intérieure du rondelet religieux.
FRÈRE JEAN-PIERRE. - 23 ans - (musique : « Doo-Wack-a-Doo »)
Professeur au Postulat à Saint-Anicet. Après un B.A. brillamment enlevé, sa pénétrante intelligence lui offrait bien des voies. Ses supérieurs lui ouvrirent celle de la théologie.
E X I L
Dans la salle même du Conseil Général, le Révérend Frère prophétisa à l'Enfant un sublime "Benedictus". En des termes qu'il n'est pas permis à l'homme de répéter, il ancra en chacun, assez facilement d'ailleurs, la conviction qu'il comptait parmi les plus dignes sujets de sa province et lui prédit les lumineuses destinées qu'on lui filait là-haut. Puis, commis aux soins de saint Joseph, en l'occurrence le cher frère Économe, le Bambino fut vite emballé et déposé (musique : « Tu n'as point d'asile parmi les ingrats ») le jour même dans une maison religieuse de pères italiens en plein cœur de Rome. Contrairement à ce qui s’était passé du temps du premier Jésus, cette fois, il troquait l'hôtellerie pour la crèche.
L'Enfant-Maître s'éduqua rapidement à l'école des événements et de la tradition. Ainsi apprit-il :
QUE le seul mot qui traduise dessert en italien est "frutta". L'éternelle pomme du midi et la sempiternelle et unique orange du soir devaient le lui rappeler quotidiennement ;
QUE le chapeau melon fait ici partie intégrante du costume ecclésiastique ;
QU’une douche est un instrument à salir les planchers ;
QUE seul le premier décembre met le feu aux fournaises ;
QU’à l'Istituto, le Seigneur se plait aux louanges d'arrière-garde.
QUE les mets italiens prennent toute leur saveur lorsque servis froids ;
QUE et QUE et QUE .et que et que..., toutes choses nouvelles pour lui et qu'il assimila avec une facilité étonnante.
Le Magister-Enfant, né pour un grand destin devait connaître toute une série de fulgurantes premières:
17 octobre - Première réception à la Casa Generalizia. Première d'une longue série de visites au Temple qui réchauffèrent toujours le coeur et l'estomac du fervent Jésus. Les grands-novices étaient alors formidables au ballon-volant, mais comme les vendeurs du Temple, l'humble Jésus n’eut aucune difficulté à les terrasser.
20 octobre - Première journée de classe. Pour la circonstance, on accorde aux Jésus les honneurs du triomphe. Glorieux comme des Césars debout sur des chars romains (il ne s'agit pas de convertibles mais de vulgaires camions car les autobus sont en grève), Jésus connaît une célébrité non recherchée. L'imposant cortège suit la voie des Forums impériaux, contourne le Colisée et est solennellement accueilli dans l’Aula Parva du Latran par un Cicéron qui leur dit dans sa savante langue: AVE FRATRES ! Que c'est beau l'instruction...
10 novembre - Première célébration du premier mois d'existence. Le frère directeur achète deux paysages entre lesquels on trouve quelques chocolats. Ces tableaux imprimés germeront un an plus tard en une galerie magnifique d'œuvres authentiques. Mais n'anticipons pas...
23 novembre - Première visite du Révérend Frère, du Frère Procureur et du frère Charles-Yvon. Le Jésus, bien qu'un peu lutin, édifie grandement le Supérieur.
- Pour profiter vraiment de l'autobus du Grand-noviciat (musique : « Sleigh Ride »), il faudrait avoir marché dans Rome pendant un an.
- La vie bourgeoise pendant les années d'études serait la condition sine qua non d'un apostolat fécond.
- Ne sera excellent supérieur que celui qui aura fait les quatre cents coups pendant sa jeunesse.
Ô vous, supérieurs vigilants et vous, frères anciens, peut-être trop enclins à pardonner aisément les fautes que l'inexpérience fait commettre, réunis ici en saint concile, anathématisez, je vous en prie, cette doctrine subtile et perverse tout en vous montrant bon pour l'hérétique, car la Province de Granby a encore besoin de lui.
LE LÉGALISME. - Toujours vivant, il connaît plusieurs partisans. Tantôt hérétique, tantôt orthodoxe, il est toujours le bouclier qui couvre une faiblesse. Ainsi, servit-il à la fois à défendre et à contester les droits d'un championnat de cartes, louche d'un côté et envié de l'autre. Dernièrement, il couvrit le fauteur d’une exécution capitale qui fit un accroc à notre galerie artistique.
Quand aux partisans de l’ORTHODOXIE, ils n'offrent aucun intérêt. Ils sont quantité négligeable et se situent d'ailleurs sur la gauche, l'exception. Pour les sauver et les garder malgré eux dans le giron de Jesus Magister, on peut les accuser de l'erreur de n’avoir pas suivi la voie commune, car, ajoute un malin, si on se trompe parfois en agissant, on se trompe toujours en s’assoyant.
Notre jeune communauté risquait de devenir une Babel. Les études apportèrent, il est vrai, une certaine amélioration dans le vocabulaire. Jugez-en: "Il y avait un monde fou et des prêtres sans bon sens" avait rapporté le témoin de la « fumata bianca » à l'élection du Pape. "Il y avait un monde, ah ! un monde innombrable et des soutanes... sans nombre" dira-t-il, se corrigeant le 4 mai devant un groupe de religieuses canadiennes venues à la béatification de Mère d'Youville. C'était déjà un progrès, mais bien qu'on s'efforçât de parler français dans cette galère, à l'anglais et à l'espagnol déjà en usage, à l'italien qui commençait à entrer, s'ajoutait le bâtard canayen voire même le "montréalais". Pour ne pas froisser les oreilles du frère Marcel qui ne souffrait que le parisien, on décida d'améliorer son langage. Le professeur serait le frère Raymond, l'élève, le frère Jean-Pierre.
Le maître était patient et méthodique, l'élève brillant et plein de bonne volonté. On maîtrisa assez facilement les mots père, petit, beurre, difficile, attitude et beaucoup d’autres. Cependant, tous les soirs à la collation, on entendait encore: "Grouillez vot' barlue » . "Remuez votre berlue" reprenait le patient éducateur. Après un mois de constants efforts, l'élève, fort d'une longue pratique et muni de maternelles recommandations, était prêt à être lancé dans le grand public. Le jour de la première, il rencontra un frère canadien, pas de notre communauté, fraîchement arrivé de Montréal. Voyons les résultats.:
F. J-P: "Bonjour cher frère, vous venez de Montréal? Dans quelle partie de la ville avez-vous surtout exercé votre apostolat, au centre ou dans la périphérie?
Le nouvel arrivé: "Cossé qu'voum' rabâtez-là?"
Le néophyte venait tout juste d’arriver à Rome…
27 décembre - On nous annonce la visite des grands-novices. Pour les bien recevoir, le frère Directeur achète une bouteille de Vermouth (musique : « On n'a pas tous les jours vingt ans (tant d'vin) ». On apprend, trop tard hélas ! qu'ils ne pourront venir. Peccato !
10 janvier 1959 - Notre jeune frère tombe malade au lit (musique : « Marche funèbre »). Après quelques tentatives infructueuses pour le ramener à la vie, le frère directeur pense au Vermouth économisé suite au désistement des grands-novices. Il administre modérément la miraculeuse médecine et laisse le précieux remède à la disposition du malade (musique : « Prendre un verre de bière mon minou »). Déception. Le vermouth baissait, la fièvre montait, Jean-Pierre se prélassait. Le conseil s'assembla, le Vermouth il enleva, et le jeune se releva.
- Un autre malade, le frère Marcel (musique : « marche funèbre », mais beaucoup plus rapidement). Cette fois-ci, on attend un mieux sensible avant d'appliquer le magique médicament. L'effet est extraordinaire et beaucoup moins coûteux.
3 février - Examens de semestre (musique : « Qu'est-ce que j'ai dans ma p'tite tête ? »). Les six étudiants en Droit Canon obtiennent tous la note 9/10.
7 mai - L’Ascension. C'est le ciel qui vient nous voir, c'est-à-dire le Révérend Frère et sa cour céleste: le cher Frère Vicaire, les chers Frères Assistants Fortunato, Bruno et Gaétan. Le bébé a quelques bobos. Il est examiné attentivement et si bien soigné, sans Vermouth cependant, qu’il jouira quelques mois plus tard, d'une florissante santé.
1er juin. - Départ du frère Inocencio (musique : « Arrivederci Roma »). C'est avec beaucoup d'émotion qu'on voit ce premier fruit se détacher de l'arbre. Que vaut notre formation? Il ne nous décevra pas. Ici, pour le bien de la postérité, nous garantissons que les expressions "inocentiennes" seront fidèlement transmises de génération en génération, entre autres : "Ne faites pas le ridi. »
20 juin -Fin de la première année scolaire (musique : « Vive les vacances »). Succès mirobolants de tous aux examens qui permettent aux Supérieurs d'espérer que le capital investi pourra certainement être rentabilisé.
24 juin -Les grands-novices partis (musique : « Ce n'est qu'un au revoir ») et les membres de la Curie ne pouvant souffrir de répit dans leur apostolat, nous établissons nos quartiers à la Maison Généralice. Ce qu'on remarque dans les bagages du fanciullo: la célèbre bouteille de Vermouth.
É P I L O G U E
Les vacances diviseront la communauté. Les frères Marcel, Florian et Maximien iront chercher à Paris (musique : « Sous les ponts de Paris ») et à Londres (musique : « Londonderry Air ») un complément de formation linguistique, pendant que la plupart des autres, forcément plus sages, demeureront avec les Supérieurs. Le 15 octobre suivant, c'est un Jésus Adolescent que l'Istituto accueillera. Sans diminuer en rien ses activités théologiques, il réalisera deux oeuvres dignes de mention:
Vernissage, d'une intéressante galerie à la fois artistique et psychologique et Fondation d'un club d'esthétique dénommé "Café Culturel" ou "Cultural Coffee Club" à l'occasion des manifestations tenues en anglais. Une visite guidée de la première oeuvre vous donnera une bonne idée du sérieux de l'autre.
Le monde entier ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu'on pourrait écrire sur Jesus Magister.
En reconnaissance pour avoir suscité et encouragé l'éclosion de cette Lumière des Nations, nous vous assurons, chers Frères Supérieurs, membres de la Curie, que Jesus Magister, délaissera un jour ses escapades enfantines, et sera bientôt prêt à annoncer la Bonne Nouvelle pour la plus grande gloire du Sacré-Coeur, de l'Église et de l'Institut.
Frère Florian
Note Cet évangile a été lu devant la communauté de la maison généralice le 14 novembre 1959 à l’occasion de la fête patronale du Révérend Frère Josaphat.
NAISSANCE
Aux jours de sa Sainteté le Pape Pie XII, d'heureuse mémoire, une circulaire du Révérend Frère, aux ailes déployées comme un Saint Esprit, avait, on s'en souvient, couvert de son ombre toutes les provinces de l'Institut pour y faire s’incarner ce Jésus ardemment attendu par plusieurs Siméons de l’école moderne. La Nativité eut lieu à la Maison Généralice (musique : « Il est né le divin Enfant »), en présence du Révérend Frère récemment réélu (musique : « Il a gagné ses épaulettes ») à la suite du dernier recensement qui avait amené à Rome des frères de toute la terre. Le nouveau-né fut ainsi présenté par le Révérend Frère aux nombreux bergers (musique : (« Ça, bergers, assemblons-nous ») réunis à la Casa pour admirer le prodige.
FRÈRE LOUIS-RÉGIS, directeur. (34 ans) - (musique : simple accord)
Maitre des scolastiques à l'Ancienne-Lorette. Sous la direction de ce sujet modèle, si gracieusement cédé par la Province de Québec, la frêle tige de Jessé allait grandir dans la ligne de l'Institut. Il avait déjà fait son grand-noviciat.... !
FRÈRE INOCENCIO, sous-directeur. (42 ans) - (musique : « Toréador »)
FRÈRE INOCENCIO, sous-directeur. (42 ans) - (musique : « Toréador »)
Licencié en histoire, déjà compétent en ascétisme, une année allait suffire à ce confrère pour opérer l'heureuse transformation d'eau en vin. Reconnaissance chaleureuse à la province d'Espagne pour cette heureuse contribution qui lubrifia d'une joie authentique les rouages neufs du jeune organisme. Nous espérons qu'elle répétera avant longtemps son geste généreux et grandement apprécié.
FRÈRE LOUIS-OMER, conseilller. - (36 ans)
FRÈRE LOUIS-OMER, conseilller. - (36 ans)
Licencié en Littérature de l'Université Laval, célèbre professeur de rhétorique au Scolasticat d’Arthabaska. Il offre au bienfaisant ascétisme des traits déjà disciplinés par la patiente pratique d'un yoga oriental (musique : un air chinois), un esprit qui a déjà soutenu les flammes purificatrices de la poésie grecque.
FRÈRE MARCEL. (34 ans) - (musique: ("Old Black Joe")
FRÈRE MARCEL. (34 ans) - (musique: ("Old Black Joe")
Déjà bachelier en Sciences Religieuses, maître des juvénistes à Metuchen, il sera le protégé du cher frère Assistant Alexis. Il témoigne par son imperturbable sourire des charmes de cette prospère province américaine (musique : « Old Black Joe »).
FRÈRE FLORIAN. (29 ans) - (musique : accords lourds).
Bachelier en Philosophie de l'Université Laval, professeur au Juvénat à Saint-Théodore. Légitime effort tout de même d'une province terriblement à court de personnel.
FRÈRE RAYMOND. - (29 ans) (musique: Neuvième de Beethoven)
Diplômé de l'École Normale de l'Université d'Ottawa, accrédité en latin de la même université, professeur au Noviciat-Scolasticat d'Embrun. Antagoniste du frère Florian, il l'étonnera, et avec lui toute la communauté, par les ressources infinies et les énergies insoupçonnées que cache sa chétive nature.
FRÈRE MAXIMIEN. -(27 ans) (musique : multiples arpèges et incessantes gammes ; le pianiste ne veut pas faire parler de lui).
FRÈRE FLORIAN. (29 ans) - (musique : accords lourds).
Bachelier en Philosophie de l'Université Laval, professeur au Juvénat à Saint-Théodore. Légitime effort tout de même d'une province terriblement à court de personnel.
FRÈRE RAYMOND. - (29 ans) (musique: Neuvième de Beethoven)
Diplômé de l'École Normale de l'Université d'Ottawa, accrédité en latin de la même université, professeur au Noviciat-Scolasticat d'Embrun. Antagoniste du frère Florian, il l'étonnera, et avec lui toute la communauté, par les ressources infinies et les énergies insoupçonnées que cache sa chétive nature.
FRÈRE MAXIMIEN. -(27 ans) (musique : multiples arpèges et incessantes gammes ; le pianiste ne veut pas faire parler de lui).
Diplômé en Sciences religieuses de l'Université Laval, musicien accompli, à la fois professeur au Noviciat et recruteur de la province de Sherbrooke. Les rires saccadés qui s'étendent parfois sur des gammes inconnues des conservatoires et les ondulations harmonieuses qui naissent sous ses doigts gambadant allègrement sur le clavier témoignent de la béatitude intérieure du rondelet religieux.
FRÈRE JEAN-PIERRE. - 23 ans - (musique : « Doo-Wack-a-Doo »)
Professeur au Postulat à Saint-Anicet. Après un B.A. brillamment enlevé, sa pénétrante intelligence lui offrait bien des voies. Ses supérieurs lui ouvrirent celle de la théologie.
E X I L
Dans la salle même du Conseil Général, le Révérend Frère prophétisa à l'Enfant un sublime "Benedictus". En des termes qu'il n'est pas permis à l'homme de répéter, il ancra en chacun, assez facilement d'ailleurs, la conviction qu'il comptait parmi les plus dignes sujets de sa province et lui prédit les lumineuses destinées qu'on lui filait là-haut. Puis, commis aux soins de saint Joseph, en l'occurrence le cher frère Économe, le Bambino fut vite emballé et déposé (musique : « Tu n'as point d'asile parmi les ingrats ») le jour même dans une maison religieuse de pères italiens en plein cœur de Rome. Contrairement à ce qui s’était passé du temps du premier Jésus, cette fois, il troquait l'hôtellerie pour la crèche.
L'Enfant-Maître s'éduqua rapidement à l'école des événements et de la tradition. Ainsi apprit-il :
QUE le seul mot qui traduise dessert en italien est "frutta". L'éternelle pomme du midi et la sempiternelle et unique orange du soir devaient le lui rappeler quotidiennement ;
QUE le chapeau melon fait ici partie intégrante du costume ecclésiastique ;
QU’une douche est un instrument à salir les planchers ;
QUE seul le premier décembre met le feu aux fournaises ;
QU’à l'Istituto, le Seigneur se plait aux louanges d'arrière-garde.
QUE les mets italiens prennent toute leur saveur lorsque servis froids ;
QUE et QUE et QUE .et que et que..., toutes choses nouvelles pour lui et qu'il assimila avec une facilité étonnante.
Le Magister-Enfant, né pour un grand destin devait connaître toute une série de fulgurantes premières:
17 octobre - Première réception à la Casa Generalizia. Première d'une longue série de visites au Temple qui réchauffèrent toujours le coeur et l'estomac du fervent Jésus. Les grands-novices étaient alors formidables au ballon-volant, mais comme les vendeurs du Temple, l'humble Jésus n’eut aucune difficulté à les terrasser.
20 octobre - Première journée de classe. Pour la circonstance, on accorde aux Jésus les honneurs du triomphe. Glorieux comme des Césars debout sur des chars romains (il ne s'agit pas de convertibles mais de vulgaires camions car les autobus sont en grève), Jésus connaît une célébrité non recherchée. L'imposant cortège suit la voie des Forums impériaux, contourne le Colisée et est solennellement accueilli dans l’Aula Parva du Latran par un Cicéron qui leur dit dans sa savante langue: AVE FRATRES ! Que c'est beau l'instruction...
10 novembre - Première célébration du premier mois d'existence. Le frère directeur achète deux paysages entre lesquels on trouve quelques chocolats. Ces tableaux imprimés germeront un an plus tard en une galerie magnifique d'œuvres authentiques. Mais n'anticipons pas...
23 novembre - Première visite du Révérend Frère, du Frère Procureur et du frère Charles-Yvon. Le Jésus, bien qu'un peu lutin, édifie grandement le Supérieur.
La communauté Jesus Magister se développe à merveille. Les bases d'une sérieuse bibliothèque sont posées. Les étudiants sucent tous les matins un volumineux biberon de quatre heures de théologie ou de philosophie et le digèrent l’après-midi... Mais si brillantes que fussent les intelligences, si compétents les Magistri, si volumineuses les piles de notes amassées, si épais les livres consultés, si incompréhensibles leurs discussions amorcées, si parfaite enfin l’organisation, il manquait à la renommée de cette école, ce dont aucune faculté de théologie ne peut absolument pas se passer : des HÉRÉSIES. Elles ne mirent pas long à venir.
La première à être dénoncée au grand jour fut baptisée le FLORIANISME.
Par charité, nous tairons le nom de son auteur. Ce génial confrère (sens péjoratif) svelte et fluet (sens négatif) voulut se glisser entre le péremptoire thomisme de l'école anglaise, beaucoup plus catégoriquement thomiste que saint Thomas lui-même, et l'informe molinisme, sournoisement favorisé par l'école française, qui se colletaient sur l'important problème de la prédestination. Résultat : il fut battu par l'un, assommé par l'autre, écrasé par les deux et solennellement brulé sur la place publique du Latran. Ses restes furent servis comme antipasto aux conversations à l'Istituto avant, m’a-t-on dit, qu'ils essaient de s'implanter en Angleterre. Aujourd'hui, le florianisme est plus que décadent, mais il aura poli pour un instant la couronne des défenseurs de la vérité.
LE NABISME devait suivre de près. Il naquit on se sait trop comment. Un autre confrère, par charité nous tairons son nom, s'était, grâce à sa puissance de concentration intellectuelle, mérité le nom de "nabi", fils de prophète. Ses avancés les plus osés furent ondoyés du nom de nabisme. Plus difficile à combattre parce qu'imprécise, l'hérésie connut une certaine vogue, peu d'adeptes, suffisamment toutefois pour se ramifier en néo-nabisme. Aujourd'hui, le cubisme et son reflet, le néo-nabisme, sommeillent plus ou moins, mais le frère Raymond sursaute encore quand on rappelle leur mémoire.
LE WACKADISME.(1) - Cette fois, l'erreur se situe dans le domaine des arts, l'art musical principalement. Comme je n'ai pas carte de compétence, m'a-t-on dit, dans le monde des formes, je vous prie de juger par vous-mêmes l’erreur. Ce mal qui répand sur tous les arts la terreur, ne vous trompez pas, n'est pas que de jugement artistique, il est de principe. Voici son critère d'appréciation: "Vous me dites que ce morceau-là n'est pas beau? Êtes-vous capable d'en faire autant?" J'espère que le raisonneur à qui on attribue cette célèbre phrase "C'est classique, cependant, c'est beau", que le raisonneur, dis-je, pris dans son propre piège se rendra et que le frère Jean-Pierre wackadisme abandonnera.
LE BÉNIGARISME fut bénin ; il dura ce que durent les roses, l'espace d'un matin. Pour les non-initiés, Benigar est un auteur ascétique. Un confrère donc, joufflu, par charité nous tairons son nom, qui voulait probablement maigrir, se mit à chercher avidement Bénigar. "Bénigar criait-il partout », car il l'avait perdu avec sa ligne. Dans sa furie, il voulut fouiller jusque dans les affaires personnelles même des plus ascètes confrères. Les actions et réactions qui suivirent furent appelées bénigaristes. Elles ne firent pas pour autant maigrir le frère "Maximum".
L’ÉLANISME ou théorie de l'élan. Erreur non encore éteinte malheureusement, d'un jeune philosophe qui emprunte ses catégories au néant absurde de Sartre et compagnie. Elle vit le jour dans un plat de pasta asciutta. "Aujourd'hui, j'aime bien la « pasta" dit l’auteur. Évidente, concedo... (vous auriez dû voir comment il l'aimait !). "Or dans mon amour de pasta, je vois deux choses. Primo, un amour objectif de pasta, parce qu'elle est belle, élégante, rose, dorée, appétissante ». Basta! Secundo, un autre amour, indépendant de la chose "en soi" qui forme une entité autonome qui lui vient du non, du non-amour, du non-trop, du néant, du zéro absolu s’élançant dans l'être, et lui conférant une plus-value qui en fait un sommet de perfection". Capito?
Vous voyez les conséquences? Ainsi, pour profiter au maximum du grand-noviciat, selon la théorie de l'élan, il faudrait être tiède pendant les sept ou huit premiers mois. (musique : « Tiens ta lampe allumée »).
La première à être dénoncée au grand jour fut baptisée le FLORIANISME.
Par charité, nous tairons le nom de son auteur. Ce génial confrère (sens péjoratif) svelte et fluet (sens négatif) voulut se glisser entre le péremptoire thomisme de l'école anglaise, beaucoup plus catégoriquement thomiste que saint Thomas lui-même, et l'informe molinisme, sournoisement favorisé par l'école française, qui se colletaient sur l'important problème de la prédestination. Résultat : il fut battu par l'un, assommé par l'autre, écrasé par les deux et solennellement brulé sur la place publique du Latran. Ses restes furent servis comme antipasto aux conversations à l'Istituto avant, m’a-t-on dit, qu'ils essaient de s'implanter en Angleterre. Aujourd'hui, le florianisme est plus que décadent, mais il aura poli pour un instant la couronne des défenseurs de la vérité.
LE NABISME devait suivre de près. Il naquit on se sait trop comment. Un autre confrère, par charité nous tairons son nom, s'était, grâce à sa puissance de concentration intellectuelle, mérité le nom de "nabi", fils de prophète. Ses avancés les plus osés furent ondoyés du nom de nabisme. Plus difficile à combattre parce qu'imprécise, l'hérésie connut une certaine vogue, peu d'adeptes, suffisamment toutefois pour se ramifier en néo-nabisme. Aujourd'hui, le cubisme et son reflet, le néo-nabisme, sommeillent plus ou moins, mais le frère Raymond sursaute encore quand on rappelle leur mémoire.
LE WACKADISME.(1) - Cette fois, l'erreur se situe dans le domaine des arts, l'art musical principalement. Comme je n'ai pas carte de compétence, m'a-t-on dit, dans le monde des formes, je vous prie de juger par vous-mêmes l’erreur. Ce mal qui répand sur tous les arts la terreur, ne vous trompez pas, n'est pas que de jugement artistique, il est de principe. Voici son critère d'appréciation: "Vous me dites que ce morceau-là n'est pas beau? Êtes-vous capable d'en faire autant?" J'espère que le raisonneur à qui on attribue cette célèbre phrase "C'est classique, cependant, c'est beau", que le raisonneur, dis-je, pris dans son propre piège se rendra et que le frère Jean-Pierre wackadisme abandonnera.
LE BÉNIGARISME fut bénin ; il dura ce que durent les roses, l'espace d'un matin. Pour les non-initiés, Benigar est un auteur ascétique. Un confrère donc, joufflu, par charité nous tairons son nom, qui voulait probablement maigrir, se mit à chercher avidement Bénigar. "Bénigar criait-il partout », car il l'avait perdu avec sa ligne. Dans sa furie, il voulut fouiller jusque dans les affaires personnelles même des plus ascètes confrères. Les actions et réactions qui suivirent furent appelées bénigaristes. Elles ne firent pas pour autant maigrir le frère "Maximum".
L’ÉLANISME ou théorie de l'élan. Erreur non encore éteinte malheureusement, d'un jeune philosophe qui emprunte ses catégories au néant absurde de Sartre et compagnie. Elle vit le jour dans un plat de pasta asciutta. "Aujourd'hui, j'aime bien la « pasta" dit l’auteur. Évidente, concedo... (vous auriez dû voir comment il l'aimait !). "Or dans mon amour de pasta, je vois deux choses. Primo, un amour objectif de pasta, parce qu'elle est belle, élégante, rose, dorée, appétissante ». Basta! Secundo, un autre amour, indépendant de la chose "en soi" qui forme une entité autonome qui lui vient du non, du non-amour, du non-trop, du néant, du zéro absolu s’élançant dans l'être, et lui conférant une plus-value qui en fait un sommet de perfection". Capito?
Vous voyez les conséquences? Ainsi, pour profiter au maximum du grand-noviciat, selon la théorie de l'élan, il faudrait être tiède pendant les sept ou huit premiers mois. (musique : « Tiens ta lampe allumée »).
- Pour profiter vraiment de l'autobus du Grand-noviciat (musique : « Sleigh Ride »), il faudrait avoir marché dans Rome pendant un an.
- La vie bourgeoise pendant les années d'études serait la condition sine qua non d'un apostolat fécond.
- Ne sera excellent supérieur que celui qui aura fait les quatre cents coups pendant sa jeunesse.
Ô vous, supérieurs vigilants et vous, frères anciens, peut-être trop enclins à pardonner aisément les fautes que l'inexpérience fait commettre, réunis ici en saint concile, anathématisez, je vous en prie, cette doctrine subtile et perverse tout en vous montrant bon pour l'hérétique, car la Province de Granby a encore besoin de lui.
LE LÉGALISME. - Toujours vivant, il connaît plusieurs partisans. Tantôt hérétique, tantôt orthodoxe, il est toujours le bouclier qui couvre une faiblesse. Ainsi, servit-il à la fois à défendre et à contester les droits d'un championnat de cartes, louche d'un côté et envié de l'autre. Dernièrement, il couvrit le fauteur d’une exécution capitale qui fit un accroc à notre galerie artistique.
Quand aux partisans de l’ORTHODOXIE, ils n'offrent aucun intérêt. Ils sont quantité négligeable et se situent d'ailleurs sur la gauche, l'exception. Pour les sauver et les garder malgré eux dans le giron de Jesus Magister, on peut les accuser de l'erreur de n’avoir pas suivi la voie commune, car, ajoute un malin, si on se trompe parfois en agissant, on se trompe toujours en s’assoyant.
Notre jeune communauté risquait de devenir une Babel. Les études apportèrent, il est vrai, une certaine amélioration dans le vocabulaire. Jugez-en: "Il y avait un monde fou et des prêtres sans bon sens" avait rapporté le témoin de la « fumata bianca » à l'élection du Pape. "Il y avait un monde, ah ! un monde innombrable et des soutanes... sans nombre" dira-t-il, se corrigeant le 4 mai devant un groupe de religieuses canadiennes venues à la béatification de Mère d'Youville. C'était déjà un progrès, mais bien qu'on s'efforçât de parler français dans cette galère, à l'anglais et à l'espagnol déjà en usage, à l'italien qui commençait à entrer, s'ajoutait le bâtard canayen voire même le "montréalais". Pour ne pas froisser les oreilles du frère Marcel qui ne souffrait que le parisien, on décida d'améliorer son langage. Le professeur serait le frère Raymond, l'élève, le frère Jean-Pierre.
Le maître était patient et méthodique, l'élève brillant et plein de bonne volonté. On maîtrisa assez facilement les mots père, petit, beurre, difficile, attitude et beaucoup d’autres. Cependant, tous les soirs à la collation, on entendait encore: "Grouillez vot' barlue » . "Remuez votre berlue" reprenait le patient éducateur. Après un mois de constants efforts, l'élève, fort d'une longue pratique et muni de maternelles recommandations, était prêt à être lancé dans le grand public. Le jour de la première, il rencontra un frère canadien, pas de notre communauté, fraîchement arrivé de Montréal. Voyons les résultats.:
F. J-P: "Bonjour cher frère, vous venez de Montréal? Dans quelle partie de la ville avez-vous surtout exercé votre apostolat, au centre ou dans la périphérie?
Le nouvel arrivé: "Cossé qu'voum' rabâtez-là?"
Le néophyte venait tout juste d’arriver à Rome…
ÉVÉNEMENTS SAILLANTS
Voici quelques dates de notre histoire qui demeureront à jamais mémorables.
27 décembre - On nous annonce la visite des grands-novices. Pour les bien recevoir, le frère Directeur achète une bouteille de Vermouth (musique : « On n'a pas tous les jours vingt ans (tant d'vin) ». On apprend, trop tard hélas ! qu'ils ne pourront venir. Peccato !
10 janvier 1959 - Notre jeune frère tombe malade au lit (musique : « Marche funèbre »). Après quelques tentatives infructueuses pour le ramener à la vie, le frère directeur pense au Vermouth économisé suite au désistement des grands-novices. Il administre modérément la miraculeuse médecine et laisse le précieux remède à la disposition du malade (musique : « Prendre un verre de bière mon minou »). Déception. Le vermouth baissait, la fièvre montait, Jean-Pierre se prélassait. Le conseil s'assembla, le Vermouth il enleva, et le jeune se releva.
- Un autre malade, le frère Marcel (musique : « marche funèbre », mais beaucoup plus rapidement). Cette fois-ci, on attend un mieux sensible avant d'appliquer le magique médicament. L'effet est extraordinaire et beaucoup moins coûteux.
3 février - Examens de semestre (musique : « Qu'est-ce que j'ai dans ma p'tite tête ? »). Les six étudiants en Droit Canon obtiennent tous la note 9/10.
7 mai - L’Ascension. C'est le ciel qui vient nous voir, c'est-à-dire le Révérend Frère et sa cour céleste: le cher Frère Vicaire, les chers Frères Assistants Fortunato, Bruno et Gaétan. Le bébé a quelques bobos. Il est examiné attentivement et si bien soigné, sans Vermouth cependant, qu’il jouira quelques mois plus tard, d'une florissante santé.
1er juin. - Départ du frère Inocencio (musique : « Arrivederci Roma »). C'est avec beaucoup d'émotion qu'on voit ce premier fruit se détacher de l'arbre. Que vaut notre formation? Il ne nous décevra pas. Ici, pour le bien de la postérité, nous garantissons que les expressions "inocentiennes" seront fidèlement transmises de génération en génération, entre autres : "Ne faites pas le ridi. »
20 juin -Fin de la première année scolaire (musique : « Vive les vacances »). Succès mirobolants de tous aux examens qui permettent aux Supérieurs d'espérer que le capital investi pourra certainement être rentabilisé.
24 juin -Les grands-novices partis (musique : « Ce n'est qu'un au revoir ») et les membres de la Curie ne pouvant souffrir de répit dans leur apostolat, nous établissons nos quartiers à la Maison Généralice. Ce qu'on remarque dans les bagages du fanciullo: la célèbre bouteille de Vermouth.
É P I L O G U E
Les vacances diviseront la communauté. Les frères Marcel, Florian et Maximien iront chercher à Paris (musique : « Sous les ponts de Paris ») et à Londres (musique : « Londonderry Air ») un complément de formation linguistique, pendant que la plupart des autres, forcément plus sages, demeureront avec les Supérieurs. Le 15 octobre suivant, c'est un Jésus Adolescent que l'Istituto accueillera. Sans diminuer en rien ses activités théologiques, il réalisera deux oeuvres dignes de mention:
Vernissage, d'une intéressante galerie à la fois artistique et psychologique et Fondation d'un club d'esthétique dénommé "Café Culturel" ou "Cultural Coffee Club" à l'occasion des manifestations tenues en anglais. Une visite guidée de la première oeuvre vous donnera une bonne idée du sérieux de l'autre.
Le monde entier ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu'on pourrait écrire sur Jesus Magister.
En reconnaissance pour avoir suscité et encouragé l'éclosion de cette Lumière des Nations, nous vous assurons, chers Frères Supérieurs, membres de la Curie, que Jesus Magister, délaissera un jour ses escapades enfantines, et sera bientôt prêt à annoncer la Bonne Nouvelle pour la plus grande gloire du Sacré-Coeur, de l'Église et de l'Institut.
Frère Florian
Note Cet évangile a été lu devant la communauté de la maison généralice le 14 novembre 1959 à l’occasion de la fête patronale du Révérend Frère Josaphat.
(1) "Si, sei completamente sbagliato." (Oui, tu es complètement dans l'erreur) Non, le wackadisme n'a pas vu le jour dans un cubicule jouxtant ton antre dans lequel tu avais entendu chanter "Colpevole" le lendemain d'un certain soir où j'avais assisté à la RAI-TV à la dernière puntata du Festival de San Remo. En effet, le wackadisme est né dans la salle commune où on jouait aux cartes et où frère Ls-Régis se plaisait à dire: "On peut maintenant éteindre les moteurs" lorsque lui et son partenaire (souventes fois, moi) se dirigeaient vers une victoire écrasante sur leurs deux adversaires (souventes fois fr. Inocencio). Tout en jouant aux cartes, on écoutait souvent de la musique sur le petit appareil radio/tourne-disque qui était près de l'évier. Et l'une de mes pièces favorites était 'Doo-wack-a-doo, wack-a-doo, wack-a-doo' jouée par un orchestre populaire américain. Je préférais évidemment écouter "My Fair Lady" (que tu étais allé voir à Londres) et "Oklahoma" ("Poor Jud is dead"), puisque je savais que cela plaisait à tout le monde, mais le samedi matin, alors que je vous coupais les cheveux, je mettais invariablement "Doo-wack-adoo", alors que le frère Raymond, lui, se délectait les oreilles à écouter "Sleigh Ride" interprété par Spike Jones... (!). (Réplique de Lionel Pelchat alias frère Jean-Pierre à Laurent Normandin, alias frère Maximien qui avait de vagues souvenirs de l'origine du "wackadisme". (23-05-2010)
jeudi 12 août 2010
Ce que Jesus Magister m'a apporté - Marcel Rivière
What Jesus Magister brought to me
by Brother Marcel Riviere 82 years old, New Orleans
Jesus Magister was one of the great blessings of my life. It was the first time, other than one year of scholasticate, that I had full time for studies, and I was the first brother of my province to have the privilege of three full years of theology.
These studies, the highlight being the course in dogmatic theology, taught by father Coleman O'Neill, Dominican, provided me with the basis in theology and spirituality that I have used my life long.
I consider myself extremely fortunate and blessed. The experience of community at Jesus Magister was also a great blessing!
Brother Marcel Riviere, May 2010
by Brother Marcel Riviere 82 years old, New Orleans
Jesus Magister was one of the great blessings of my life. It was the first time, other than one year of scholasticate, that I had full time for studies, and I was the first brother of my province to have the privilege of three full years of theology.
These studies, the highlight being the course in dogmatic theology, taught by father Coleman O'Neill, Dominican, provided me with the basis in theology and spirituality that I have used my life long.
I consider myself extremely fortunate and blessed. The experience of community at Jesus Magister was also a great blessing!
Brother Marcel Riviere, May 2010
mercredi 11 août 2010
Que m'a apporté Jesus Magister? par Jean-Claude Éthier S. C.
«JESUS MAGISTER»…
UNE ÉTAPE PLEINE DE RESSOURCES
POUR LES DÉFIS À VENIR
UNE ÉTAPE PLEINE DE RESSOURCES
POUR LES DÉFIS À VENIR
Dans un de nos moments d’échange, j’avais évoqué pour l’ami Florian la possibilité d’aborder une table ronde entre anciens de «Jesus Magister» avec la question toute simple : ««Que t’a donné «Jesus Magister»? En fin renard, celui-ci m’a refilé la question en me disant : «Et toi, que répondrais-tu?»
Voilà, j’étais pris!
Des «provisions pour la route de la vie», c’est en gros ce que m’a donné «Jesus-Magister». Pas pour toute la route bien sûr, – il y a eu de bonnes opérations débroussaillage –, mais pour des étapes importantes «Jesus Magister» s’est révélé un point de repère pour réajuster et réorienter. Vivre c’est changer!
J’avais 28 ans lorsque l’expérience «Jesus Magister» m’est tombé dessus. En tant que religieux et en tant qu’éducateur, j’étais extrêmement motivé. Je voulais tous les atouts de mon côté; naïvement, je me disais : «Si tu veux donner [en tant qu’éducateur], il faut que tu aies quelque chose à donner.» J’ai fait des choix dans ce qui m’était offert, j’ai tassé des choses et j’en ai accueillies.
De fait, intellectuellement j’étais en état d’accueil; je voulais approfondir, «ruminer», ajouterait Florian, des questions bien précises à ce moment-là de ma vie : en particulier, dans les dimensions communications et langage, pensée ou philosophie, histoire, culture, société. Et le milieu romain dans lequel nous étions plongés nous en offrait la possibilité.
Personnellement, j’ai trouvé très juste le commentaire que le correcteur de mon mémoire (le Père F. Giardini, O.P.) a fait après l’examen de cet écrit tous azimuts présenté pour l’obtention de ma licence : «Notevole é il gusto dell’autore per i vasti panorami teologici.» «Remarquable est le goût de l’auteur pour les vastes panoramas théologiques.], En effet, mon esprit est ainsi fait que j’évolue plus aisément dans les synthèses que dans les analyses rigoureuses – j’allais dire pointilleuses.
Donc, quand un cours au programme, comme la dogmatique, consistait à partir du De creatione, de religione, de revelatione, de Deo uno, etc., pour aboutir au De novissimis, cela ne me rebutait en rien. Aucun problème non plus à galoper dans plusieurs livres de la Bible et dans l’histoire de l’Église.
J’ai beaucoup aimé les cours du professeur Angeli sur la philosophie du droit qui nous introduisaient au Code de droit canonique en général et au droit des religieux en particulier. Furent grandement appréciées aussi les cours de Mgr Pietro Pavan en sociologie. J’ai considéré ces cours comme des «déclencheurs» d’une réflexion qui s’est longtemps poursuivie.
Autres précisions concernant les cours à la «Pontificia Universitas Lateranensis». Trois ans avant de m’inscrire à l’institut Jesus Magister, en 1955, j’avais commencé une maîtrise en littérature latine à l’Université d’Ottawa. Séjourner à Rome même, suivre des cours en latin comme ce fut le cas la première année, s’attaquer à des textes de base en latin, c’était pour moi une aubaine. Quelle chance extraordinaire! Ensuite, parmi les trois disciplines qui devaient être officiellement reconnues sur mon diplôme d’enseignant du secondaire de l’Ontario, il y avait l’histoire. J’étais décidément très favorisé.
Si, comme je viens de le mentionner, mes études futures ont bénéficié de mon passage à «Jesus Magister», qu’en est-il de ma carrière?
Évidemment, d’autres chemins auraient été possibles, d’autres que la via romana. Mais il faut m’en tenir à ce que j’ai vécu comme réalité, et c’est à partir de là que j’ai fonctionné; je n’en ai aucun regret.
Le destin a fait que j’ai eu au cours des années 1960 et 1970 de forts engagements dans le renouveau de la vie religieuse (sur la lancée de Vatican II) au plan de ma propre communauté; j’ai œuvré dans des comités, des commissions, des rassemblements, des chapitres. Et au cours des années 1980 et 1990, je me suis vu d’abord confier la responsabilité de coordonnateur provincial de l’éducation chrétienne (secteur français) pour l’Assemblée des évêques de l’Ontario et, par la suite, la responsabilité de coordonnateur national de l’éducation chrétienne (secteur français) pour la Conférence des Évêques Catholiques du Canada. Cela n’aurait pas été possible dans mon cas, je pense, si je n’avais pas reçu la chiquenaude, la préparation donnée par «Jesus Magister». J’ajoute que cela m’a permis aussi d’être chargé de cours en sciences religieuses durant six ans dans le cadre du programme d’extension de l’Université Laurentienne.
Enfin, la vie de groupe, la vie communautaire qui, durant trois ans, a été la nôtre à la pension Via de Mascherone, a été très stimulante et marquante. Les liens, l’amitié, qui ont traversé les ans, en sont le signe. Les personnes qui ont composé ce groupe ont créé grâce à leur forte personnalité, leurs talents, leur dynamisme, un milieu d’inspiration et de formation qui a alimenté notre désir de connaître, éveillé notre intérêt et même aidé à combler les lacunes découvertes à l’Université, entre autres.
En conclusion, je dirais que l’expérience «Jesus Magister» a contribué, à sa manière, en son temps, au raffinement de cette herméneutique qu’éternellement j’essaie de pratiquer pour que ma quête de sens trouve un certain apaisement.
Jean-Claude Éthier, S.C.
Voilà, j’étais pris!
Des «provisions pour la route de la vie», c’est en gros ce que m’a donné «Jesus-Magister». Pas pour toute la route bien sûr, – il y a eu de bonnes opérations débroussaillage –, mais pour des étapes importantes «Jesus Magister» s’est révélé un point de repère pour réajuster et réorienter. Vivre c’est changer!
J’avais 28 ans lorsque l’expérience «Jesus Magister» m’est tombé dessus. En tant que religieux et en tant qu’éducateur, j’étais extrêmement motivé. Je voulais tous les atouts de mon côté; naïvement, je me disais : «Si tu veux donner [en tant qu’éducateur], il faut que tu aies quelque chose à donner.» J’ai fait des choix dans ce qui m’était offert, j’ai tassé des choses et j’en ai accueillies.
De fait, intellectuellement j’étais en état d’accueil; je voulais approfondir, «ruminer», ajouterait Florian, des questions bien précises à ce moment-là de ma vie : en particulier, dans les dimensions communications et langage, pensée ou philosophie, histoire, culture, société. Et le milieu romain dans lequel nous étions plongés nous en offrait la possibilité.
Personnellement, j’ai trouvé très juste le commentaire que le correcteur de mon mémoire (le Père F. Giardini, O.P.) a fait après l’examen de cet écrit tous azimuts présenté pour l’obtention de ma licence : «Notevole é il gusto dell’autore per i vasti panorami teologici.» «Remarquable est le goût de l’auteur pour les vastes panoramas théologiques.], En effet, mon esprit est ainsi fait que j’évolue plus aisément dans les synthèses que dans les analyses rigoureuses – j’allais dire pointilleuses.
Donc, quand un cours au programme, comme la dogmatique, consistait à partir du De creatione, de religione, de revelatione, de Deo uno, etc., pour aboutir au De novissimis, cela ne me rebutait en rien. Aucun problème non plus à galoper dans plusieurs livres de la Bible et dans l’histoire de l’Église.
J’ai beaucoup aimé les cours du professeur Angeli sur la philosophie du droit qui nous introduisaient au Code de droit canonique en général et au droit des religieux en particulier. Furent grandement appréciées aussi les cours de Mgr Pietro Pavan en sociologie. J’ai considéré ces cours comme des «déclencheurs» d’une réflexion qui s’est longtemps poursuivie.
Autres précisions concernant les cours à la «Pontificia Universitas Lateranensis». Trois ans avant de m’inscrire à l’institut Jesus Magister, en 1955, j’avais commencé une maîtrise en littérature latine à l’Université d’Ottawa. Séjourner à Rome même, suivre des cours en latin comme ce fut le cas la première année, s’attaquer à des textes de base en latin, c’était pour moi une aubaine. Quelle chance extraordinaire! Ensuite, parmi les trois disciplines qui devaient être officiellement reconnues sur mon diplôme d’enseignant du secondaire de l’Ontario, il y avait l’histoire. J’étais décidément très favorisé.
Si, comme je viens de le mentionner, mes études futures ont bénéficié de mon passage à «Jesus Magister», qu’en est-il de ma carrière?
Évidemment, d’autres chemins auraient été possibles, d’autres que la via romana. Mais il faut m’en tenir à ce que j’ai vécu comme réalité, et c’est à partir de là que j’ai fonctionné; je n’en ai aucun regret.
Le destin a fait que j’ai eu au cours des années 1960 et 1970 de forts engagements dans le renouveau de la vie religieuse (sur la lancée de Vatican II) au plan de ma propre communauté; j’ai œuvré dans des comités, des commissions, des rassemblements, des chapitres. Et au cours des années 1980 et 1990, je me suis vu d’abord confier la responsabilité de coordonnateur provincial de l’éducation chrétienne (secteur français) pour l’Assemblée des évêques de l’Ontario et, par la suite, la responsabilité de coordonnateur national de l’éducation chrétienne (secteur français) pour la Conférence des Évêques Catholiques du Canada. Cela n’aurait pas été possible dans mon cas, je pense, si je n’avais pas reçu la chiquenaude, la préparation donnée par «Jesus Magister». J’ajoute que cela m’a permis aussi d’être chargé de cours en sciences religieuses durant six ans dans le cadre du programme d’extension de l’Université Laurentienne.
Enfin, la vie de groupe, la vie communautaire qui, durant trois ans, a été la nôtre à la pension Via de Mascherone, a été très stimulante et marquante. Les liens, l’amitié, qui ont traversé les ans, en sont le signe. Les personnes qui ont composé ce groupe ont créé grâce à leur forte personnalité, leurs talents, leur dynamisme, un milieu d’inspiration et de formation qui a alimenté notre désir de connaître, éveillé notre intérêt et même aidé à combler les lacunes découvertes à l’Université, entre autres.
En conclusion, je dirais que l’expérience «Jesus Magister» a contribué, à sa manière, en son temps, au raffinement de cette herméneutique qu’éternellement j’essaie de pratiquer pour que ma quête de sens trouve un certain apaisement.
Jean-Claude Éthier, S.C.
mardi 10 août 2010
QUE M'A APPORTÉ JESUS MAGISTER? par Lionel Pelchat
(Lionel Pelchat, alias frère Jean-Pierre)
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,
« Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Par contre, un certain nombre d’aphorismes directeurs de vie ou de comportement me sont toujours restés en tête. Pour n’en citer que quelques-uns : «Contemplata gratis aliis tradere » (1) ; « Maxima utilitas, minimis mediis » (2) ; « Quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur » (3) ; « Usus magister optimus » (4); « Bis dat qui cito dat » (5) ; «Amicus Plato sed magis amica veritas », etc.
À mon retour de Rome, j’enseignai la Religion et la Philosophie à l’École Secondaire Richard de Verdun pendant deux ans. Je crois pouvoir affirmer que mes cours de philosophie ont répondu aux attentes inavouées de mes élèves, mais ce furent surtout mes cours de religion qui réveillèrent le plus d’intérêt chez eux. Ces élèves de 11e et 12e année avaient été habitués à s’entendre répéter les mêmes lieux communs depuis leur entrée à l’école. Or ils se trouvaient soudainement devant un prof en soutane qui, au lieu de leur imposer son enseignement, les invitait à réfléchir, à critiquer, à discuter, voire même à contredire les positions théoriques qu’il leur présentait ! Ils sentaient chaque jour leur barque s’éloigner un peu plus du rivage du prêt-à-porter qu’on leur avait jusque-là imposé. Voulant leur faire comprendre que la pratique de la religion devait avoir comme base l’amour plutôt que la crainte, la confiance plutôt que la peur, je remplaçais les « Malheureux ceux qui… » par les « Bienheureux ceux qui… », etc. Et c’est à ce moment-là que je me rendis compte que les cours de Bible et de Morale que j’avais suivis avec plus ou moins d’intérêt à JESUS MAGISTER pouvaient avoir des répercussions dans la vie de tous les jours, même dans celle d’adolescents dont les préoccupations principales étaient loin d’avoir quelque rapport direct que ce soit avec la religion.
Pour les raisons que j’expose en détails dans mon autobiographie, « Lionel…une vie », je quittai la communauté en 1964 et m’embarquai pour l’Afrique où la connaissance des diverses langues que je possédais me fut beaucoup plus utile que mon savoir théologique. J’avais en effet réussi à obtenir mon premier contrat avec le gouvernement canadien parce que je répondais au profil que le Ministère de l’Éducation malien avait soumis à Ottawa, celui d’un professeur de philosophie et de langues pour l’École Normale de filles de Bamako. Et dès mon arrivée au Mali, je me mis à l’étude de l’allemand. La roue était lancée. J’allais désormais gagner ma vie en enseignant la voie vers la connaissance des langues plutôt que de prêter ma voix aux mystères des voies de Dieu.
Accepter de répondre à cette question, c’est accepter de s’étendre lentement sur un divan, de fermer pudiquement les yeux et de plonger tête première quelque cinquante ans en arrière. C’est aussi se rendre compte que Boileau s’est magistralement trompé le jour où il a osé écrire dans son Art Poétique :
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,
« Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Même s’il ne fait aucun doute que le Lionel qui est rentré au Québec en août 1962 n’était pas du tout le même que celui l’avait quitté quatre ans plus tôt, il n’en reste pas moins que d’essayer d’emprisonner dans des mots les diverses transformations qui s’étaient opérées en moi pendant ces quatre ans est loin de s’avérer une sinécure. Mais puisque j’ai accepté de répondre à la question posée par mon ami Florian, à savoir : « Que t’a apporté Jesus Magister? », je m’attelle à la tâche en espérant que les réflecteurs que j’utiliserai dans le but d’essayer d’analyser cette tranche de ma vie m’aideront à bien répondre à la question posée.
Quiconque passe plusieurs années à étudier à l’université, quelle qu’elle soit, voit inévitablement ses connaissances s’accroître et sa personnalité évoluer. Et les quatre années que j’ai passées à l’université du Latran n’ont pu faire autrement que de meubler mon esprit de nouveaux savoirs directement liés aux diverses disciplines imposées par le cursus qui m’a mené à l’obtention d’une licence en Sciences Religieuses. Et ceci s’applique à tous ceux qui ont suivi les mêmes études que moi.
Mais, ces études philosophiques et théologiques se fussent-elles déroulées à Montréal ou ailleurs au Québec que ma personnalité n’aurait pas été aussi profondément métamorphosée qu’elle le fut par un long séjour en Europe. Au cours de la longue semaine de la traversée qui m’amena de Montréal à Liverpool, je n’avais réalisé que théoriquement l’énorme chance que j’avais d’avoir été désigné comme étudiant dans la Ville éternelle. Mais, dès les premières semaines après avoir mis le pied sur le vieux continent, je me rendis compte que les quelques années à venir allaient m’apporter beaucoup plus que ce que j’avais imaginé le jour de ma nomination quelques semaines plus tôt.
Déjà, pendant le voyage en train que j’avais fait, seul, de Paris à Rome, en m’arrêtant en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Suisse et dans le nord de l’Italie, j’avais vu tant de merveilles, et j’avais réalisé qu’il y avait tant de choses à apprendre, que je voulais tout voir et tout visiter. Mais, me disais-je, tu as encore quatre ans devant toi; tu devrais peut-être commencer par apprivoiser de nouvelles langues afin de mieux profiter de toute cette culture.
J’ai donc entrepris ma première année d’université en ayant deux objectifs en tête : réussir mon année académique et apprendre l’italien. Je ne consacrais qu’une demi-heure systématique par jour à l’étude de cette langue, mais l’environnement quotidien dans lequel je baignais (transports publics, une heure de télévision, visites de musées, etc.) venait doubler l’efficacité de mon apprentissage de la langue de Dante. De plus, je demandai d’aller passer mes premières grandes vacances d’été (1959) au postulat-noviciat d’Albano où je pus jouir d’une immersion totale en vivant dans une ambiance 100% italienne toute la journée durant, et ce, pendant trois mois. À la rentrée d’octobre, je parlais évidemment italien couramment.
Lors de la deuxième année, ce fut vers l’espagnol que je jetai mon dévolu. Et aux grandes vacances de l’été 1960, après avoir suivi un cours de civilisation française (langue, art, philosophie) à l’Institut catholique de Paris pendant un mois, je mettais le cap sur l’Espagne où j’allais me frotter cette fois-ci au verbe de Cervantès pendant presque trois mois encore. Puis, un an plus tard, ce fut Londres qui se chargea de satisfaire mon appétit insatiable des langues. Et une fois ma licence décrochée, en juin 1962, je passai deux autres mois à l’université de Madrid avant de prendre le chemin du retour vers le Québec.
Jusqu’ici, dans ma réflexion sur mes années romaines, je n’ai développé que le volet étude des langues qui constituait évidemment mon hobby préféré, mais vous pouvez facilement imaginer ce que tous ces divers séjours et multiples voyages en différents pays supposent en apports culturels, sociologiques et religieux. Combien de fois ne m’a-t-il pas été donné de pouvoir vérifier la véracité du proverbe «C’est du choc des idées que naît la lumière » ! La lumière pour d’autres, peut-être, mais surtout pour moi qui me trouvais souvent dans l’obligation d’essayer de bien comprendre la position d’un opposant avant d’essayer de lui démontrer pourquoi je croyais qu’il avait tort. Quels arguments apporter à un Espagnol franquiste jusque dans la moelle pour essayer de lui démontrer que la démocratie comporte plus de qualités et moins de défauts que la dictature ? Comment défendre la position du croyant que j’étais devant une sympathique matrone anglaise (la propriétaire de la maison de pension que j’habitais à Londres) qui affiche ouvertement son athéisme devant tout le monde ? Comment ne pas réaliser la profondeur de mon ignorance en sculpture et en architecture (et en arts en général) alors que ce fut un bambino romain encore d’âge scolaire qui, par hasard, m’initia à l’art baroque en me décrivant en détails la façade du palais Farnese à côté duquel nous habitions ?, etc. Toutes ces discussions et chacune de ces rencontres étaient source d’approvisionnement intellectuel et d’approfondissement de toutes sortes qui ne purent que laisser de profondes traces en moi.
Aucun des nombreux professeurs que j’ai eus au cours de ces quatre années ne m’a vraiment marqué. Certains étaient plus éveilleurs que d’autres, certes, mais je ne suis revenu de Rome avec aucune idole à vénérer ni aucun maître à imiter. Dans mon enseignement subséquent, j’ai surtout cherché à éviter de répéter les erreurs et les défauts des professeurs qui ne faisaient pas le poids plutôt que de me proposer de suivre l’exemple de celui-ci ou de celui-là.
Quiconque passe plusieurs années à étudier à l’université, quelle qu’elle soit, voit inévitablement ses connaissances s’accroître et sa personnalité évoluer. Et les quatre années que j’ai passées à l’université du Latran n’ont pu faire autrement que de meubler mon esprit de nouveaux savoirs directement liés aux diverses disciplines imposées par le cursus qui m’a mené à l’obtention d’une licence en Sciences Religieuses. Et ceci s’applique à tous ceux qui ont suivi les mêmes études que moi.
Mais, ces études philosophiques et théologiques se fussent-elles déroulées à Montréal ou ailleurs au Québec que ma personnalité n’aurait pas été aussi profondément métamorphosée qu’elle le fut par un long séjour en Europe. Au cours de la longue semaine de la traversée qui m’amena de Montréal à Liverpool, je n’avais réalisé que théoriquement l’énorme chance que j’avais d’avoir été désigné comme étudiant dans la Ville éternelle. Mais, dès les premières semaines après avoir mis le pied sur le vieux continent, je me rendis compte que les quelques années à venir allaient m’apporter beaucoup plus que ce que j’avais imaginé le jour de ma nomination quelques semaines plus tôt.
Déjà, pendant le voyage en train que j’avais fait, seul, de Paris à Rome, en m’arrêtant en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Suisse et dans le nord de l’Italie, j’avais vu tant de merveilles, et j’avais réalisé qu’il y avait tant de choses à apprendre, que je voulais tout voir et tout visiter. Mais, me disais-je, tu as encore quatre ans devant toi; tu devrais peut-être commencer par apprivoiser de nouvelles langues afin de mieux profiter de toute cette culture.
J’ai donc entrepris ma première année d’université en ayant deux objectifs en tête : réussir mon année académique et apprendre l’italien. Je ne consacrais qu’une demi-heure systématique par jour à l’étude de cette langue, mais l’environnement quotidien dans lequel je baignais (transports publics, une heure de télévision, visites de musées, etc.) venait doubler l’efficacité de mon apprentissage de la langue de Dante. De plus, je demandai d’aller passer mes premières grandes vacances d’été (1959) au postulat-noviciat d’Albano où je pus jouir d’une immersion totale en vivant dans une ambiance 100% italienne toute la journée durant, et ce, pendant trois mois. À la rentrée d’octobre, je parlais évidemment italien couramment.
Lors de la deuxième année, ce fut vers l’espagnol que je jetai mon dévolu. Et aux grandes vacances de l’été 1960, après avoir suivi un cours de civilisation française (langue, art, philosophie) à l’Institut catholique de Paris pendant un mois, je mettais le cap sur l’Espagne où j’allais me frotter cette fois-ci au verbe de Cervantès pendant presque trois mois encore. Puis, un an plus tard, ce fut Londres qui se chargea de satisfaire mon appétit insatiable des langues. Et une fois ma licence décrochée, en juin 1962, je passai deux autres mois à l’université de Madrid avant de prendre le chemin du retour vers le Québec.
Jusqu’ici, dans ma réflexion sur mes années romaines, je n’ai développé que le volet étude des langues qui constituait évidemment mon hobby préféré, mais vous pouvez facilement imaginer ce que tous ces divers séjours et multiples voyages en différents pays supposent en apports culturels, sociologiques et religieux. Combien de fois ne m’a-t-il pas été donné de pouvoir vérifier la véracité du proverbe «C’est du choc des idées que naît la lumière » ! La lumière pour d’autres, peut-être, mais surtout pour moi qui me trouvais souvent dans l’obligation d’essayer de bien comprendre la position d’un opposant avant d’essayer de lui démontrer pourquoi je croyais qu’il avait tort. Quels arguments apporter à un Espagnol franquiste jusque dans la moelle pour essayer de lui démontrer que la démocratie comporte plus de qualités et moins de défauts que la dictature ? Comment défendre la position du croyant que j’étais devant une sympathique matrone anglaise (la propriétaire de la maison de pension que j’habitais à Londres) qui affiche ouvertement son athéisme devant tout le monde ? Comment ne pas réaliser la profondeur de mon ignorance en sculpture et en architecture (et en arts en général) alors que ce fut un bambino romain encore d’âge scolaire qui, par hasard, m’initia à l’art baroque en me décrivant en détails la façade du palais Farnese à côté duquel nous habitions ?, etc. Toutes ces discussions et chacune de ces rencontres étaient source d’approvisionnement intellectuel et d’approfondissement de toutes sortes qui ne purent que laisser de profondes traces en moi.
Aucun des nombreux professeurs que j’ai eus au cours de ces quatre années ne m’a vraiment marqué. Certains étaient plus éveilleurs que d’autres, certes, mais je ne suis revenu de Rome avec aucune idole à vénérer ni aucun maître à imiter. Dans mon enseignement subséquent, j’ai surtout cherché à éviter de répéter les erreurs et les défauts des professeurs qui ne faisaient pas le poids plutôt que de me proposer de suivre l’exemple de celui-ci ou de celui-là.
Par contre, un certain nombre d’aphorismes directeurs de vie ou de comportement me sont toujours restés en tête. Pour n’en citer que quelques-uns : «Contemplata gratis aliis tradere » (1) ; « Maxima utilitas, minimis mediis » (2) ; « Quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur » (3) ; « Usus magister optimus » (4); « Bis dat qui cito dat » (5) ; «Amicus Plato sed magis amica veritas », etc.
À mon retour de Rome, j’enseignai la Religion et la Philosophie à l’École Secondaire Richard de Verdun pendant deux ans. Je crois pouvoir affirmer que mes cours de philosophie ont répondu aux attentes inavouées de mes élèves, mais ce furent surtout mes cours de religion qui réveillèrent le plus d’intérêt chez eux. Ces élèves de 11e et 12e année avaient été habitués à s’entendre répéter les mêmes lieux communs depuis leur entrée à l’école. Or ils se trouvaient soudainement devant un prof en soutane qui, au lieu de leur imposer son enseignement, les invitait à réfléchir, à critiquer, à discuter, voire même à contredire les positions théoriques qu’il leur présentait ! Ils sentaient chaque jour leur barque s’éloigner un peu plus du rivage du prêt-à-porter qu’on leur avait jusque-là imposé. Voulant leur faire comprendre que la pratique de la religion devait avoir comme base l’amour plutôt que la crainte, la confiance plutôt que la peur, je remplaçais les « Malheureux ceux qui… » par les « Bienheureux ceux qui… », etc. Et c’est à ce moment-là que je me rendis compte que les cours de Bible et de Morale que j’avais suivis avec plus ou moins d’intérêt à JESUS MAGISTER pouvaient avoir des répercussions dans la vie de tous les jours, même dans celle d’adolescents dont les préoccupations principales étaient loin d’avoir quelque rapport direct que ce soit avec la religion.
Pour les raisons que j’expose en détails dans mon autobiographie, « Lionel…une vie », je quittai la communauté en 1964 et m’embarquai pour l’Afrique où la connaissance des diverses langues que je possédais me fut beaucoup plus utile que mon savoir théologique. J’avais en effet réussi à obtenir mon premier contrat avec le gouvernement canadien parce que je répondais au profil que le Ministère de l’Éducation malien avait soumis à Ottawa, celui d’un professeur de philosophie et de langues pour l’École Normale de filles de Bamako. Et dès mon arrivée au Mali, je me mis à l’étude de l’allemand. La roue était lancée. J’allais désormais gagner ma vie en enseignant la voie vers la connaissance des langues plutôt que de prêter ma voix aux mystères des voies de Dieu.
Mon orientation de vie avait bifurqué et mon bateau avait changé de cap, mais les nombreuses expériences que j’avais vécues et les divers savoirs que j’avais acquis pendant les quatre années de JESUS MAGISTER ne pouvaient cesser de faire partie de mon être. Et j’ai toujours continué de savoir gré à toutes les causes et à tous les hasards absolument indépendants de mon vouloir qui ont fait que j’ai eu la chance de vivre ces plus qu’enrichissantes années d’études à l’ombre du Vatican.
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(1) Sache partager gratuitement avec les autres les choses que tu as apprises.
(2) Savoir produire les meilleurs résultats par la plus grande économie de moyens possible.
(3) Tout ce qui est compris ou appris l’est selon l’esprit de celui qui le comprend ou l’apprend.
(4) C’est par la pratique que l’on devient maître.
(5) Qui donne rapidement donne deux fois.
(6) Ton amitié m’est précieuse, mais la vérité me l’est encore davantage.
* * * * * *
Lionel Pelchat, mai 2010
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(1) Sache partager gratuitement avec les autres les choses que tu as apprises.
(2) Savoir produire les meilleurs résultats par la plus grande économie de moyens possible.
(3) Tout ce qui est compris ou appris l’est selon l’esprit de celui qui le comprend ou l’apprend.
(4) C’est par la pratique que l’on devient maître.
(5) Qui donne rapidement donne deux fois.
(6) Ton amitié m’est précieuse, mais la vérité me l’est encore davantage.
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Lionel Pelchat, mai 2010
lundi 9 août 2010
Ce que m'a apporté Jesus Magister par Laurent Normandin
Ouvrir les vannes de mes souvenirs de JESUS MAGISTER comporte un risque de déluge… Évitons les dégâts. Un quidam disait : « Je suis comme un petit ruisseau : peu profond mais clair». Je m’abrite derrière cette constatation. Quelques filets laisseront soupçonner le torrent possible. Un mot pourrait circonscrire ce que m’a apporté JESUS MAGISTER : ouverture.
Certes, trois années d’étude aux cours publics de théologie à l’Université Laval de Québec (1953-1956) m’avaient donné quelques assises avec des professeurs comme l’abbé Jean-Marie Fortier qui deviendra archevêque de Sherbrooke (celui qui m’a ordonné prêtre en 1971) et l’abbé Vachon qui deviendra archevêque et cardinal de Québec.
Mais Rome me procurera une ouverture considérable, indélébile : psychologie, droit et relations internationales, histoire de l’Église, théologie spéculative et sopra tutto l’Écriture Sainte. Je regrettais l’absence de liturgie, mais cela viendra plus tard.
Me faudrait-il décerner une palme d’or à celui de mes professeurs qui m’a le plus marqué? Je l’accorde illico au père Évode Beaucamp, o.f.m. Son enseignement continue de m’inspirer. Médaille d’argent à Carlo Molari pour son enseignement projeté avec passion et le désir de nous faire plonger dans le mystère. Effort plus que louable étant donné que le français n’était pas sa langue maternelle. Je note cependant que je ne me sentais pas du tout perdu lorsqu’il enseignait en latin, latin de cuisine dans bien des cas.
JESUS MAGISTER n’était pas qu’une institution d’étude. C’était comme un laboratoire de relations internationales étant donné la provenance de confrères de plusieurs pays. Je m’aperçois que le climat de fraternité qui y régnait s’était bâti, disons-le (notre humilité étant sauve), sur la qualité des membres qui la composaient. On sentait le respect, le support de chacun, le goût de confronter les idées dans un esprit bon-enfant, un brin frondeur pour pimenter la vie commune. Il faut dire que le frère Louis-Régis (Pascal Ross) le premier, notre diligent directeur, nous entraînait hardiment au travail.
Par ricochet, je saurai que mon enseignement en matière religieuse dans les 11e années de l’école secondaire St-François de Sherbrooke (62-64) sortait du ronron somnifère des méthodes précédentes en conjuguant à bon escient anthropologie chrétienne, théologie, histoire et Bible. Comme j’y enseignais aussi avec plaisir l’ÉDUCATION CIVIQUE ET PROFESSIONNELLE, je mettais à profit quelques notions de droit et de relation.
Dès les premiers mois après mon retour de Bruxelles en 1962, j’étais chargé de dispenser quelques cours à la faculté des sciences religieuse de l’Université de Sherbrooke. Beaucamp me hantait avec profit.
Quelques années (7 ans) comme responsable de formation (responsable au juvénat, postulat, noviciat et scolasticat) m’ont forcé à puiser dans mon maigre bagage psychologique et à étendre mes connaissances dans ce domaine. Je ne puis affirmer que les compétences acquises à Rome ont joué d’une façon prépondérante sur la demande qui m’a été faite de recevoir l’onction sacerdotale (1971) pour le service de mes frères en Église.
Qui l’eût cru? me voici de retour à Rome de 1974 à 1985 dans l’équipe animatrice de la session spirituelle internationale FSC. Durant ces 11 ans, j’ai puisé abondamment à la fontaine « magistérienne ». Poursuivant mon déniaisement, j’ai pu fréquenter San Anselmo del’Aventino en liturgie comme auditeur libre. L’Institut de spiritualité de la Grégorienne m’a aussi accueilli à quelques reprises.
À regret, je ne m’étendrai pas sur les fantastiques et enrichissantes découvertes de Paris à la Catho et à la Sorbonne durant les vacances de 1959 et 1960 : littérature, cinéma et musique dansaient une valse enivrante. Ajoutons le contact tonifiant avec les frères de St Alban en Angleterre. Sans compter l’année 61-62 à LUMEN VITAE, Bruxelles, en catéchèse. Ouf! De quoi paraphraser un incessant MAGNIFICAT pour le reste de mes jours!
Bromptonville, 1 septembre 2010
dimanche 8 août 2010
Que m'a apporté Jesus Magister par Florian Jutras
Un bilan de la formation reçue à Jesus Magister
Comme le dit Mc Luhan, le médium c’est le message. En l’occurrence le medium c’est Rome, c’est la fraternité de Mascherone et aussi l’Université du Latran. Les faiblesses liées au programme et au contenu des cours ont été largement compensées par la richesse du médium qui m’a plongé en immersion totale dans une eau purificatrice de mes scories, libératrice de mes des tabous intellectuels concernant la Révélation et qui m’a régénéré dans un univers de concepts théologiques fort riches.
Nous étions un groupe cobayes pour un vin nouveau qui n’avait pas été suffisamment décanté dans l’esprit des professeurs du Latran. Le programme n’avait pas subi l’épreuve du temps On y a mis beaucoup de choses inutiles ou non appropriées. L’Université du Latran était fort bien équipée dans les facultés de droit canon et de théologie, mais en catéchèse, c’était plutôt faible. Et répondre à des attentes culturelles en une période de profondes transformations, c’est un défi fort difficile à relever.
Plusieurs de ces raisons expliquent qu’on ait dû fermer l’Institut après à peine douze ans d’existence. (3)
Si je sonde mes entrailles et me demande ce qu’il m’a donné, la réponse est fort différente.
Intellectuellement Jesus Magister m’a enrichi. Il m’a introduit dans plusieurs ateliers de réflexion théologique. On peut dire que ces trois années ont ancré en moi sur des bases solides le tronc et les principaux embranchements de la Révélation objet de la foi chrétienne. Voici en condensé, mon principal héritage de Jesus Magister.
La théologie servante de la révélation
Voir ce que l’esprit humain, qui enfourche de frêles petites ondes, peut tirer en connaissances de l’univers, de son histoire et d’astres situées à des milliards d’années lumière de nous, c’est émerveillant et époustouflant.
Le donné révélé, fondement de la foi chrétienne, est aussi un univers répandu à travers le temps et l’espace en des milliards de petites étoiles qui signent, souvent à faible intensité et au milieu d’un vacarme de parasites, la discrète présence de Dieu et son dessein de faire alliance avec l’homme.
Fouiller cet univers, découvrir le sens de ces histoires souvent disparates, tout traduire en concepts qui se tiennent, qui forment un tout intelligible et cohérent c’est une œuvre gigantesque comparable à toutes celles que le génie humain a montées dans des domaines aussi différents et aussi variés que la physique nucléaire, l’astronomie et la mathématique.
Cette œuvre dont je ne connaissais que des brindilles éparses, celles du petit catéchisme ou de la nomenclature des dogmes, je l’ai entrevue dans son ensemble. Je sors de ce bain émerveillé par la vision de la doctrine chrétienne, par sa cohérence et par l’éclairage qu’elle apporte à l’intelligence humaine du milieu divin révélé.
Je suis émerveillé aussi par les génies humains, de saint Paul aux Pères des conciles et du concile Vatican II en passant par saint Augustin et par le Docteur angélique, saint Thomas d’Aquin, qui l’ont réalisée.
J’ai aussi mieux compris la fonction de la théologie dans le maintien et la promotion de la foi. Sans les longues palabres byzantines entremêlées des plus vils intérêts qui ont fourni la matière brute des dogmes conciliaires, il y aurait eu un gros risque que cette merveilleuse expérience de Dieu s’effrite dans le décor ou ne sombre dans la plus avilissante des superstitions si elle n’avait pas été coulée dans une structure rigide, celle des dogmes de la sainte Église. S’effriter dans le décor, au temps de la primitive Église cela voulait dire donner dans la gnose omniprésente dans les premières communautés chrétienne et dont l’influence sur l’interprétation du mystère chrétien se prolongera jusqu’à nos jours.
Jésus aurait-il pu survivre dans l’atmosphère gnostique ? Peut-être, mais il n’aurait pas vécu comme Jésus de Nazareth, plus probablement comme le Verbe, éon de lumière, dernier échelon de la parcelle de divin prisonnier dans la pâte humaine. Rien de nouveau, un Horus égyptien ou un Mithra romain.
Notre foi est fondée sur le Jésus de l’histoire incarné et ayant vécu en un temps « x » sur notre terre, non un avatar d’Horus ou de Mithra.(4)
L’historicité de Jésus et du salut a été affirmée et professée à toutes les époques des conciles, appuyés sur une solide théologie qui en a expliqué les articulations et les conséquences. Un Jésus ontologique, on l’a vu dans les élaborations postérieures des gnostiques, ne pouvait qu’établir une hiérarchie d’êtres en voie d’assomption vers le divin. Rien comme le côte-à-côte de l’homme avec Dieu, rien pour susciter la communion de vie des premières communautés chrétiennes, l’alliance de tout homme de bonne volonté devant les grandes causes, rien pour la démocratie, ou la fraternité universelle.
Bref, pour passer les siècles, l’intelligence de la foi avait besoin de se codifier en une structure rigide, celle des dogmes, qui ont balisé la voie de la continuité et de la vérité dans la compréhension du mystère du salut et dans son expression à travers les rites chrétiens.
Inspiration et interprétation en Écriture sainte
Jeune, je l’ai dit, j’étais fasciné par le caractère sacré des Saintes Écritures. Les tranches qu’on nous servait dans la liturgie avaient le caractère et la réputation de paroles magiques, sacrées, soufflées par l’Esprit dans l’oreille de l’écrivain sacré. La Bible était inspirée directement par Dieu. Il n’y avait rien à chercher d’autre.
Ma découverte de la Bible fut toute autre. La Bible soumise à la discipline de l’exégèse apportait non seulement une signification enrichie et plus juste des textes sacrés dans leur diversité mais contribua aussi à une meilleure intelligence de la Révélation prise dans son ensemble.
Alors Dieu ne dicte plus le mot à mot des textes sacrés mais il est présent à tous les événements qui forment la trame de l’histoire de ce peuple, non un Dieu-belle-mère intervenant à tout propos dans les affaires des humaines, mais un Dieu présent, offrant à tous les bienfaits de son alliance.
Après Jesus Magister, le courant de la relation à Dieu n’allait pas de l’homme à Dieu dans un effort de perfectionnement et de spiritualisation mais de Dieu au service de l’homme même pécheur dans le sens de la plus authentique incarnation.
Saint Irénée l’avait dit au IIe siècle, "Gloria Dei homo vivens" (la gloire de Dieu c’est l’homme vivant) mais ayant alors d’autres chats à fouetter, on ne l’avait pas entendu.
L’exégèse, portée par un courant de renouvellement qui soufflait partout, remit les pendules de l’Écriture sainte à l’heure de ses origines. Non des paroles sacrées intouchables, mais la Parole, présence du Verbe dans l’histoire changeante des hommes, non des vérités inscrites dans des récits paraboliques mais la Vérité qui se conjugue avec les vérités des hommes, avec leurs valeurs et leurs espoirs. Ainsi on n’a plus à exécuter des entourloupettes pour expliquer les « erreurs » de la Bible ou en extraire la signification profonde comme on le ferait d’un texte sibyllin.
Les conséquences de cet angle de lecture sont importantes pour la juste compréhension du message révélé et pour développer une relation au divin qui soit significative et marquée d’amour et de liberté.
Une Église signe
Dans les années 58-60 l’Église était encore la « Mater et Magistra » à la structure toute empourprée et régie par le supplément au droit romain qu’on a appelé « Droit canon ».
Les cours d’Histoire de l’Église et de la dogmatique furent aussi pour moi évocateurs quant au rôle de l’Église et de ses rites dans le parachèvement du Royaume de Dieu sur la terre des hommes.
On avait bien appris que « le sacrement était un signe sensible institué par Jésus-Christ pour nous donner la grâce » (5) mais le mot « signe » avait été brouillé par un certain besoin de formules magiques qui donnaient la grâce et le ciel « ex opere operato» (6) et qui les redonnaient si on les avait perdus.
La portée du mot « signe » s’appliquera aussi aux « miracles » opérés par Jésus qu’on est invité à interpréter non comme des « dérogations aux lois de la nature » mais comme des balises, des signes, qui indiquent la présence de Dieu et de son action salvatrice à l’un ou l’autre des temps importants de la condition humaine (naissance, mariage, ordination, rassemblement, faiblesses, maladies et mort).
L’Église, qu’on a appelée le sacrement (signe) de la rencontre de Dieu (Schillebeeckx), y trouve aussi le fondement de sa mission qui est de révéler la présence salvatrice de Jésus dans l’histoire des hommes. Ce qui commande à l’Église de savoir parler la langue des hommes et celle de leurs valeurs à chaque période de leur histoire. Ce qu’Elle fit avec forces et faiblesses de l’invasion des Barbares jusqu’à la cession de ses pouvoirs sur les états pontificaux et aussi dans ce gigantesque effort d’aggiornamento que fut le concile Vatican II.
Et voilà comment on récupère l’histoire. Si contradictoire que cela puisse nous apparaître, pour annoncer efficacement l’Évangile, la croix dut être accompagnée de l’épée. Une Église secte n’aurait pas pu civiliser les Barbares ni porter la Bonne Nouvelle à tous les confins de la terre. D’instinct, la foi au Christ a pris les moyens appropriés pour l’annoncer dans le temps et dans l’espace tout en respectant le rythme des cheminements de chacun et les couleurs de chaque civilisation, prenant le risque des ambiguïtés que l’on connaît.
Éclairante aussi la distinction entre l’Église communion de vie, éternelle et présente dans tous les rassemblements humains et l’Église « moyen de salut » aléatoire, temporelle et variable comme peut l’être un échafaudage qui sert à la construction d’un édifice.
Ces données seront brillamment reprises par le Concile Vatican II.
Sous cet éclairage, le dicton « Hors de l’Église point de salut », qui faisait scandale à notre époque, s’enrichit et prend un tout autre sens si on le couple avec la certitude que le salut est «déjà» accompli en Jésus-Christ. Ainsi, l’universalité du salut déjà accompli rejoint tous les groupes, toutes les églises, toutes les confessions, tous les hommes de bonne volonté qui poursuivent leur quête de sens sur leur terre humaine. L’Église c’est le « Christ répandu » à la grandeur de l’univers. Il n’y a personne à exclure. De quoi ouvrir ses méninges à la dimension de l’univers et de l’éternité.
Ce que Jesus Magister m’a donné, c’est une mise en forme et en cohérence des notions partielles et partiales que j’avais accumulées depuis mon âge de raison; il m’a muni de clés passe-partout d’interprétation qui ont amorcé une conversion de la pensée que Vatican II viendra compléter admirablement.
Nous étions un groupe cobayes pour un vin nouveau qui n’avait pas été suffisamment décanté dans l’esprit des professeurs du Latran. Le programme n’avait pas subi l’épreuve du temps On y a mis beaucoup de choses inutiles ou non appropriées. L’Université du Latran était fort bien équipée dans les facultés de droit canon et de théologie, mais en catéchèse, c’était plutôt faible. Et répondre à des attentes culturelles en une période de profondes transformations, c’est un défi fort difficile à relever.
Plusieurs de ces raisons expliquent qu’on ait dû fermer l’Institut après à peine douze ans d’existence. (3)
Si je sonde mes entrailles et me demande ce qu’il m’a donné, la réponse est fort différente.
Intellectuellement Jesus Magister m’a enrichi. Il m’a introduit dans plusieurs ateliers de réflexion théologique. On peut dire que ces trois années ont ancré en moi sur des bases solides le tronc et les principaux embranchements de la Révélation objet de la foi chrétienne. Voici en condensé, mon principal héritage de Jesus Magister.
La théologie servante de la révélation
Voir ce que l’esprit humain, qui enfourche de frêles petites ondes, peut tirer en connaissances de l’univers, de son histoire et d’astres situées à des milliards d’années lumière de nous, c’est émerveillant et époustouflant.
Le donné révélé, fondement de la foi chrétienne, est aussi un univers répandu à travers le temps et l’espace en des milliards de petites étoiles qui signent, souvent à faible intensité et au milieu d’un vacarme de parasites, la discrète présence de Dieu et son dessein de faire alliance avec l’homme.
Fouiller cet univers, découvrir le sens de ces histoires souvent disparates, tout traduire en concepts qui se tiennent, qui forment un tout intelligible et cohérent c’est une œuvre gigantesque comparable à toutes celles que le génie humain a montées dans des domaines aussi différents et aussi variés que la physique nucléaire, l’astronomie et la mathématique.
Cette œuvre dont je ne connaissais que des brindilles éparses, celles du petit catéchisme ou de la nomenclature des dogmes, je l’ai entrevue dans son ensemble. Je sors de ce bain émerveillé par la vision de la doctrine chrétienne, par sa cohérence et par l’éclairage qu’elle apporte à l’intelligence humaine du milieu divin révélé.
Je suis émerveillé aussi par les génies humains, de saint Paul aux Pères des conciles et du concile Vatican II en passant par saint Augustin et par le Docteur angélique, saint Thomas d’Aquin, qui l’ont réalisée.
J’ai aussi mieux compris la fonction de la théologie dans le maintien et la promotion de la foi. Sans les longues palabres byzantines entremêlées des plus vils intérêts qui ont fourni la matière brute des dogmes conciliaires, il y aurait eu un gros risque que cette merveilleuse expérience de Dieu s’effrite dans le décor ou ne sombre dans la plus avilissante des superstitions si elle n’avait pas été coulée dans une structure rigide, celle des dogmes de la sainte Église. S’effriter dans le décor, au temps de la primitive Église cela voulait dire donner dans la gnose omniprésente dans les premières communautés chrétienne et dont l’influence sur l’interprétation du mystère chrétien se prolongera jusqu’à nos jours.
Jésus aurait-il pu survivre dans l’atmosphère gnostique ? Peut-être, mais il n’aurait pas vécu comme Jésus de Nazareth, plus probablement comme le Verbe, éon de lumière, dernier échelon de la parcelle de divin prisonnier dans la pâte humaine. Rien de nouveau, un Horus égyptien ou un Mithra romain.
Notre foi est fondée sur le Jésus de l’histoire incarné et ayant vécu en un temps « x » sur notre terre, non un avatar d’Horus ou de Mithra.(4)
L’historicité de Jésus et du salut a été affirmée et professée à toutes les époques des conciles, appuyés sur une solide théologie qui en a expliqué les articulations et les conséquences. Un Jésus ontologique, on l’a vu dans les élaborations postérieures des gnostiques, ne pouvait qu’établir une hiérarchie d’êtres en voie d’assomption vers le divin. Rien comme le côte-à-côte de l’homme avec Dieu, rien pour susciter la communion de vie des premières communautés chrétiennes, l’alliance de tout homme de bonne volonté devant les grandes causes, rien pour la démocratie, ou la fraternité universelle.
Bref, pour passer les siècles, l’intelligence de la foi avait besoin de se codifier en une structure rigide, celle des dogmes, qui ont balisé la voie de la continuité et de la vérité dans la compréhension du mystère du salut et dans son expression à travers les rites chrétiens.
Inspiration et interprétation en Écriture sainte
Jeune, je l’ai dit, j’étais fasciné par le caractère sacré des Saintes Écritures. Les tranches qu’on nous servait dans la liturgie avaient le caractère et la réputation de paroles magiques, sacrées, soufflées par l’Esprit dans l’oreille de l’écrivain sacré. La Bible était inspirée directement par Dieu. Il n’y avait rien à chercher d’autre.
Ma découverte de la Bible fut toute autre. La Bible soumise à la discipline de l’exégèse apportait non seulement une signification enrichie et plus juste des textes sacrés dans leur diversité mais contribua aussi à une meilleure intelligence de la Révélation prise dans son ensemble.
Alors Dieu ne dicte plus le mot à mot des textes sacrés mais il est présent à tous les événements qui forment la trame de l’histoire de ce peuple, non un Dieu-belle-mère intervenant à tout propos dans les affaires des humaines, mais un Dieu présent, offrant à tous les bienfaits de son alliance.
Après Jesus Magister, le courant de la relation à Dieu n’allait pas de l’homme à Dieu dans un effort de perfectionnement et de spiritualisation mais de Dieu au service de l’homme même pécheur dans le sens de la plus authentique incarnation.
Saint Irénée l’avait dit au IIe siècle, "Gloria Dei homo vivens" (la gloire de Dieu c’est l’homme vivant) mais ayant alors d’autres chats à fouetter, on ne l’avait pas entendu.
L’exégèse, portée par un courant de renouvellement qui soufflait partout, remit les pendules de l’Écriture sainte à l’heure de ses origines. Non des paroles sacrées intouchables, mais la Parole, présence du Verbe dans l’histoire changeante des hommes, non des vérités inscrites dans des récits paraboliques mais la Vérité qui se conjugue avec les vérités des hommes, avec leurs valeurs et leurs espoirs. Ainsi on n’a plus à exécuter des entourloupettes pour expliquer les « erreurs » de la Bible ou en extraire la signification profonde comme on le ferait d’un texte sibyllin.
Les conséquences de cet angle de lecture sont importantes pour la juste compréhension du message révélé et pour développer une relation au divin qui soit significative et marquée d’amour et de liberté.
Une Église signe
Dans les années 58-60 l’Église était encore la « Mater et Magistra » à la structure toute empourprée et régie par le supplément au droit romain qu’on a appelé « Droit canon ».
Les cours d’Histoire de l’Église et de la dogmatique furent aussi pour moi évocateurs quant au rôle de l’Église et de ses rites dans le parachèvement du Royaume de Dieu sur la terre des hommes.
On avait bien appris que « le sacrement était un signe sensible institué par Jésus-Christ pour nous donner la grâce » (5) mais le mot « signe » avait été brouillé par un certain besoin de formules magiques qui donnaient la grâce et le ciel « ex opere operato» (6) et qui les redonnaient si on les avait perdus.
La portée du mot « signe » s’appliquera aussi aux « miracles » opérés par Jésus qu’on est invité à interpréter non comme des « dérogations aux lois de la nature » mais comme des balises, des signes, qui indiquent la présence de Dieu et de son action salvatrice à l’un ou l’autre des temps importants de la condition humaine (naissance, mariage, ordination, rassemblement, faiblesses, maladies et mort).
L’Église, qu’on a appelée le sacrement (signe) de la rencontre de Dieu (Schillebeeckx), y trouve aussi le fondement de sa mission qui est de révéler la présence salvatrice de Jésus dans l’histoire des hommes. Ce qui commande à l’Église de savoir parler la langue des hommes et celle de leurs valeurs à chaque période de leur histoire. Ce qu’Elle fit avec forces et faiblesses de l’invasion des Barbares jusqu’à la cession de ses pouvoirs sur les états pontificaux et aussi dans ce gigantesque effort d’aggiornamento que fut le concile Vatican II.
Et voilà comment on récupère l’histoire. Si contradictoire que cela puisse nous apparaître, pour annoncer efficacement l’Évangile, la croix dut être accompagnée de l’épée. Une Église secte n’aurait pas pu civiliser les Barbares ni porter la Bonne Nouvelle à tous les confins de la terre. D’instinct, la foi au Christ a pris les moyens appropriés pour l’annoncer dans le temps et dans l’espace tout en respectant le rythme des cheminements de chacun et les couleurs de chaque civilisation, prenant le risque des ambiguïtés que l’on connaît.
Éclairante aussi la distinction entre l’Église communion de vie, éternelle et présente dans tous les rassemblements humains et l’Église « moyen de salut » aléatoire, temporelle et variable comme peut l’être un échafaudage qui sert à la construction d’un édifice.
Ces données seront brillamment reprises par le Concile Vatican II.
Sous cet éclairage, le dicton « Hors de l’Église point de salut », qui faisait scandale à notre époque, s’enrichit et prend un tout autre sens si on le couple avec la certitude que le salut est «déjà» accompli en Jésus-Christ. Ainsi, l’universalité du salut déjà accompli rejoint tous les groupes, toutes les églises, toutes les confessions, tous les hommes de bonne volonté qui poursuivent leur quête de sens sur leur terre humaine. L’Église c’est le « Christ répandu » à la grandeur de l’univers. Il n’y a personne à exclure. De quoi ouvrir ses méninges à la dimension de l’univers et de l’éternité.
Ce que Jesus Magister m’a donné, c’est une mise en forme et en cohérence des notions partielles et partiales que j’avais accumulées depuis mon âge de raison; il m’a muni de clés passe-partout d’interprétation qui ont amorcé une conversion de la pensée que Vatican II viendra compléter admirablement.
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dimanche 1 août 2010
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