par Jean-Guy LeGault
Élève au collège d'Arthabaska 1952-1954
(maintenant à Victoriaville)
De gros changements accompagnent le début de mon adolescence. À l'âge de 12 ans, le 25 août 1952, je quitte la maison familiale d'Asbestos pour devenir pensionnaire d'abord à Arthabaska (2 ans) et l'année suivante, à Bromptonville (1 an). J'entreprends mes années d'études secondaires classiques. J'y complèterai mes quatre années du secondaire, en trois ans: Éléments latins, Syntaxe, Méthode et Versification, comme on les nommait à l'époque des collèges classiques.
J'aimais étudier. J'avais apprécié mes professeurs à l'école primaire. Tout jeune, j'avais «joué à l'école». J'invitais mes sœurs et même ma mère à tenir le rôle d'élèves. Comme il n'y avait aucun professeur laïc à Asbestos à l'époque (seulement des religieux, des religieuses et des «maîtresses»), une des façons de devenir professeur, c'était de passer par le juvénat. Or, il y avait bien deux écoles normales pour garçons au Québec, l'une à Québec, l'autre à Montréal, mais il fallait auparavant compléter le cours secondaire.
Au printemps 1952, on m'avait offert d'aller visiter le collège d'Arthabaska. J'avais trouvé l'environnement extérieur très beau: gazons, haies, fleurs, verger, jardins, cours de récréation, tennis, etc. La bâtisse même me semblait un peu vieillotte. Je l'avais visitée de la cave au grenier: le dortoir, le lavoir, les douches, l'oratoire, les classes, la salle de récréation, la chapelle, le réfectoire et même la souillarde. Mais ce qui m'avait plu davantage, c'est le contact avec quelques jeunes pensionnaires. Ils m'étaient apparus gentils, bien éduqués et contents de fréquenter cet établissement scolaire.
Le lundi 25 août 1952 avait été fixé pour le grand départ. La veille, ma jeune sœur Claudette avait été baptisée en l'église Saint-Isaac-Jogues. Voilà pourquoi on avait reporté au lendemain mon départ pour le collège. En avant-midi, mes sœurs, Lise et Huguette, avec la petite voiture à quatre roues, étaient allées porter ma malle, au terminus d'autobus, situé au Café Royal, sur le boulevard Saint-Luc. Mon père avait pris congé pour la journée afin de m'accompagner au collège. Vers midi et demi, je quitte Asbestos, la ville minière qui m'avait vu naître. C'est en autobus que je prends le chemin du juvénat d'Arthabaska, passant par Danville, Kingsey-Falls et Warwick.
Une heure plus tard, nous descendions tous le deux devant le collège; nous avions pris soin de transporter, pedibus cum jambis, la vieille malle qui devait accompagner tout bon pensionnaire de l'époque. Mon ancien directeur de l'école Saint-Aimé, le frère Octavius (Jean-Louis Lemire) nous attendait à l'entrée. Il fit visiter le pensionnat à mon père. Il nous présenta le directeur du collège, le frère Eugénien (Lionel Tardif) ainsi qu'un jeune étudiant, originaire d'Asbestos, Marcien Bisson, qui selon la tradition, devra être mon «ange gardien» pour mes premiers jours au collège.
En après-midi, le frère Octavius nous amène au «gros collège» de Victoriaville où je peux saluer mon titulaire de septième année, le frère Didace (Omer Fleurent). De retour à Arthabaska, nous prenons le souper au réfectoire des visiteurs. Vers 19 heures, mon père reprend l'autobus pour entrer à la maison. Me voilà dans ma nouvelle famille qui comptera environ 150 jeunes et une dizaine d'adultes: le directeur et les enseignants.
La première semaine, nous suivons encore l'horaire des vacances, car les cours ne débuteront qu'après la fête du Travail. Deux fois au cours de la semaine, nous allons nous baigner dans la rivière Nicolet, à une petite plage située à environ un mille et demi du collège. Nous nous y rendons à pied, aller-retour. Après la baignade, on vient nous livrer la collation avec une voiture hippomobile. Eh oui ! nous sommes en 1952...
La vie au juvénat sera ponctuée de moment de prières, d'étude et de récréations. Voici un aperçu de l'horaire de la journée. Lever dès 5h30. Toilette, prière, réflexion silencieuse. Messe et communion à 6h20. Elle dure presque une heure. Nous sommes 350 dans la maison avec les autres groupes. Seul l'aumônier a le droit de distribuer la communion; ça prend un bon 20 minutes.
Vers 7h20, déjeuner au réfectoire. Les étudiants sont répartis sur des tables de sept ou huit convives. Un chef de table est nommé parmi les plus anciens. C'est lui qui désigne la personne qui doit aller chercher les plats qui nous arrivent de la cuisine sur des charriots. On y mange en alternance du gruau, des céréales, mêmes des patates et des viandes froides. Des œufs, les vendredis. Du pain et du beurre complètent le tout. Pas de grille-pain... pas de «toasts»... Comme breuvage, du chocolat chaud. Évidemment, le repas est précédé du Benedicite. On ne parle qu'après avoir répondu au Deo gratias ! lancé par le frère Maître.
Après les repas, ce sont les emplois. Pendant une quinzaine de minutes, les vadrouilles circulent dans les corridors, les brosses nettoient les escaliers, les tables sont lavées et les couverts remis en place pour le repas du midi. À la souillarde, il y a quatre cuves en opération: deux pour le lavage et deux pour le rinçage. Portant tablier de toile, les plongeurs redoublent de vitesse pour fournir les deux essuyeurs de chaque côté. En moins de 15 minutes, toute la vaisselle est lavée, essuyée. Les linges sont mis à sécher et le plancher, lavé à la «moppe». D'autres s'affairent à la préparation des patates.
Une fois les emplois terminés, on va jouer dehors jusqu'à 8h30, moment où une cloche nous appelle en classe pour le premier cours de la journée. On circule en silence sans être obligé de prendre son rang. Les cours, entrecoupés d'une petite récré de 15 minutes, se poursuivront jusqu'à l'heure du dîner, vers 11h45.
Le même scénario se répétera après le dîner: emplois, activités sportives à l'extérieur. En début d'après-midi, une quinzaine de minutes de chant avec le frère Barnabé (Léopold Lemieux), puis cours jusqu'à 16h. Suivent la collation et les sports organisés à l'extérieur: hockey, baseball, glissade, selon les saisons, jusque vers 17h. Chapelet, examen de conscience et conférence avant le souper. Après le souper et la récré, pendant laquelle on joue au «drapeau» en été ou on chausse les patins en hiver, on se rend à nouveau en classe pour une période d'étude et de devoirs. Puis, c'est la prière du soir, suivie du Salve Regina chanté et le dodo.
Après deux jours d’initiation, grâce à l’assistance assidue de mon «ange gardien», je connaissais le Juvénat dans ses moindres recoins, je savais ce qu’on y faisait à différents moments de la journée, quelles attitudes et quels gestes on attendait de moi en toute circonstance.
Donc, je passe mes deux premières années du secondaire à Arthabaska. La première année, je suis dans la classe des Éléments A dont le titulaire est le Frère Pierre (Gérard Bédard) et la deuxième dans la classe de Syntaxe B qui a pour titulaire le Frère Irénée (Jean-Guy Hamel). Plusieurs professeurs sont affectés à chaque groupe; c'est ma première expérience avec le va-et-vient des spécialistes. Je m'y adapte rapidement.
Élève au pensionnat de Bromptonville 1954-1955
(maintenant à Sherbrooke)
La troisième année, à Bromptonville, je suis en Versification A, avec comme titulaire le frère Armand (Maurice Lampron). Nous étrennons un tout nouveau collège. Le groupe est beaucoup plus restreint, environ 60 élèves. À la fin de l'année, je réussis les examens du diplôme de l'Immatriculation junior, sous la responsabilité de la faculté des Arts de l'université de Sherbrooke.
Le 15 février 1955, je fus nommé postulant avec une trentaine de collègues d'études. Tout en continuant le curriculum des études régulières, le postulat est une étape préparatoire à l'entrée en communauté. J'étais fier de faire partie de ce contingent. Six mois plus tard, je prenais le chemin de Québec où avait lieu l'année canonique du noviciat. Mes trois années d'études secondaires venaient de se terminer. À la prochaine !
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