dimanche 21 mars 2010

15.5 MSC La Voix du Mont-Sacré-Coeur

La Voix du Mont-Sacré-Cœur ?
Un éloquent TÉMOIN du passé
Publiée au Mont-Sacré-Cœur, ‘La Voix’ est surtout un album de famille qui relate la vie des frères du Sacré-Cœur de la province de St-Hyacinthe et plus particulièrement celle des communautés (Juvénat, Noviciat Scolasticat et Centre) qui ont habité le Mont de 1932 à 1968. La Voix publie aussi les chroniques et les autres communiqués qui lui sont envoyés par les frères de quelques autres provinces de l’Institut.

L’histoire de famille que rapporte ‘La Voix’ est coupée en deux temps. 1958 (quelle convergence éclairante et étonnante!), est la charnière de ces deux temps de son curriculum : ‘La Voix du Mont-Sacré-Cœur’ d’avant 1959 et ‘La Voix des Frères du Sacré-Cœur’ d’après 1958.

La Voix du Mont-Sacré-Cœur’ (de 1942 à 1958)
La Voix’ d’avant 59 semble surtout vouée à la promotion de l’esprit de famille et au maintien de la ferveur religieuse chez les frères de la province de St-Hyacinthe/Granby.

Agent de promotion de l’esprit de famille

Trois rubriques surtout servent à la promotion de l’esprit de famille : Les chroniques, les tableaux d’honneur et les rapports des différentes célébrations communautaires dont la fête annuelle des jubilés de vie religieuse.

Les chroniques

Pour les lecteurs moyens de ‘La Voix’, les chroniques étaient ce que les bandes dessinées la section des sports sont pour les lecteurs moyens de quotidiens, les premières pages lues et commentées. Le correspondant attitré de ‘La Voix’ dans les maisons de la province envoyait au bureau de ‘La Voix’ le journal de bord relatant les principaux événements du mois.
On y mettait ce qu’on voulait, naturellement ses bons coups et aussi les changements de personnel, les maladies, les promotions et les événements importants dans la paroisse où se trouvait l’école.

Le Mont y allait avec quatre chroniques. Le Centre donnait un compte rendu de ses récoltes et des améliorations qu'on apportait à la propriété. Le Juvénat, le Noviciat et le Scolasticat affichaient le programme de leurs fêtes respectives, les résultats de leurs matchs de hockey et de baseball etc. L'entrée de chaque nouveau juvéniste était notée dans la chronique du Juvénat, les activités de la Ligue missionnaire (LMES) dans celle du Scolasticat. Comme on fêtait beaucoup au Mont-Sacré-Cœur, ces chroniques étaient les mieux garnies.

La liste des obédiences paraissait aussi dans le numéro de septembre. Chaque déplacement de frères était connu. Ainsi, on savait ce qui se vivait dans toute la province. Quelle source d’information directe pour tout chercheur avide de connaître le passé !

Les tableaux d’honneur


La Voix’ affiche régulièrement les tableaux d’honneur sous forme de mention ou de rapport détaillé des résultats scolaires, des entrées au Juvénat, des offrandes spirituelles pour l’avancement de la cause du frère Polycarpe etc. J’y ai même vu un rapport détaillé, maison par maison, du nombre d’élèves qui portaient une médaille de la Vierge ou un scapulaire lors de la visite du frère Provincial…! De temps en temps, on y voit des statistiques sur la persévérance des frères, à partir de l’entrée au Juvénat jusqu’au jubilé d’or.

Les Jubilés
Les frères qui célèbrent leur jubilé d’or ont droit à une place de choix dans ‘La Voix’. On dresse pour chacun un élogieux curriculum vitae, on rapporte les allocutions qui ont été prononcées lors de cette fête et le programme de la fête. «On a donc bien fait de persévérer» répètent à cette occasion les plus humoristes d’entre eux.

‘La Voix’ mousse ainsi la réalisation de la première strophe de son chant de ralliement : « Animés de l’amour dont on s’aime entre frères… »

La Voix, un ferment de vie religieuse

Attiser la ferveur religieuse semble aussi l’une des plus importantes raisons d’être de ‘La Voix’. Son tisonnier s’agite de belle façon.

Les mots d’ordre
De 1942 à 1956, dès le premier numéro qui ouvre une année scolaire, presque sans discontinuité, le frère Provincial donne à ses frères un mot d’ordre qu’il explique longuement. Ce mot d’ordre est toujours de nature spirituelle. Quels qu’ils soient, ces mots d’ordre ressassent les bases de la vie religieuse et incitent les frères à être fidèles, persévérants et soumis à l’égard de Dieu, charitables envers les confrères et reconnaissants envers Dieu et la communauté pour la grâce de la vocation.

Ainsi voit-on apparaître successivement les mots d’ordre suivants qui, comme les agencements de lettres d’une soupe à l’alphabet ne changent guère la saveur du brouet. SOYONS COMPÉTENTS, COLLABORONS, ÉDIFIONS, SURNATURALISONS. ÊTRE JÉSUS PAR MARIE. Et quand la situation commence à se corser un peu, on voit apparaître MAINTENIR.

Je ne crois pas que ces mots d’ordre et leurs dilutions dans le cours de l’année, malgré la haute teneur spirituelle ou littéraire de leurs explications, se soient mérité une cote de lecture très élevée. Il semble cependant qu’ils ont procuré beaucoup de satisfactions et ont stimulé un peu la ferveur chez leurs auteurs. La fierté communautaire s’en trouvait aussi gonflée.

La Voix’ invitait les frères à écrire leur savoir, leurs expériences ou leurs réflexions sur toutes sortes d’aspects de la vie religieuse ou de la vie spirituelle. Chaque mois, on peut lire au moins deux écrits de cette catégorie dans chacune des publications de ‘La Voix’ de cette période. À la pige, on a relevé les titres suivants qui en eux-mêmes parlent éloquemment de la vie religieuse:

1942 Octobre : Vers les sommets - par l'obéissance et la pureté d'intention
1943 Juin : Le divin incompris et Compétence religieuse
1945 Déc. Paix sur la terre et le Noël de l’âme identifiée
1948 Nov. Vie intérieure et, de Madagascar : Une parole décisive de saint Mathieu.
1956 Sept. Sainte Marguerite-Marie, confidente du Sacré-Coeur et apôtre de sa dévotion
1957 Janv.-Fév. Il leur était soumis.

Ces écrits côtoyaient les « Billets du grand frère » et d’autres formes d’exhortation à vivre plus intensément sa vie religieuse.

Les écrits scientifiques et pédagogiques

De temps en temps, on publie surtout des trucs d’ordre pédagogique qui ont eu du succès auprès de leur auteur.
La pédagogie prend aussi la forme de conseils donnés par les vieux frères aux plus jeunes. On y trouve aussi quelques articles intéressants de science naturelle et une série de cours sur le chant grégorien donnés par le frère Richard.

Il n’y a aucune controverse dans ces écrits. Tout semble baigner dans l’huile d’une vie religieuse et professionnelle sans remous.

1958 Une année charnière
Que s’est-il passé? Quelles sont les nouvelles harmoniques de ‘La Voix’ ?

D’abord, 1958 doit avoir dans vos souvenirs des résonnances de changements et de contestations. Mai 58 !

En communauté aussi, car c’est l’année du chapitre général. On entend souffler entre les branches toutes sortes de rumeurs ou de desiderata de changements qui peuvent toucher même nos Règles et Constitutions. Dans l’album qui fait la rétrospective des cent ans d’annuaires de l’Institut, de 1906 à 2006, on commente ainsi la prise de position du chapitre de 1958 :
Des quelque 150 propositions soumises par les frères, l’assemblée en élimine la moitié et en étudie l’autre moitié en commissions puis en assemblée. Le frère Stanislas, secrétaire du chapitre, écrit : « Après la fin des travaux, il était clair que le chapitre avait retenu seulement les propositions à tendance conservatrice et avait rejeté presque tous les projets de nature innovatrice, comme l’adoption des noms civils, des changements à l’habit, des règles sur l’usage du tabac, les visites en famille et les vacances. (Extrait de : Annuaire de l’institut des Frères du Sacré-Cœur – 1906-2006 p. 132)

Cette première réaction conservatrice par rapport aux perspectives de changement apparaît dans ‘La Voix’ sous forme de controverse. Les plus anciens critiquent vertement toute promotion de renouvellement qui à leurs yeux semble discréditer le passé ou les traditions établies.

La Voix des Frères du Sacré-Cœur
Depuis 1956, on lisait dans ‘La Voix’ des articles signés par des frères rattachés à d’autres provinces communautaires du Canada, des États-Unis et même de l’Europe. Dès l’automne 1957, chacune des provinces canadiennes avait désigné son correspondant officiel à ‘La Voix’. Ce lui fut bénéfique à tel point qu’à l’automne 1959 le comité en charge, suite au dépouillement de l’enquête faite par le comité précédent, décide « d'élargir maintenant le nom lui-même de notre périodique en celui de 'LA VOIX DES FRERES DU SACRE-COEUR', pour le rendre plus conforme a la réalité. » "La Voix" s'imprime encore à Granby mais ses rubriques seront nourries de réflexions, d’expériences et d’opinions provenant de toutes les régions de l’Institut.

Dans ce premier numéro qui marque une nouvelle orientation, on voit paraître un article portant le titre de « Réflexions sur un monologue » qui est une contestation des opinions émises sur la formation académique des frères, exprimées dans l’article titré « Vacances 59 » signé par le frère Pierre-Arthur président du comité. La critique, toujours gantée de blanc, se fera de plus en plus régulière. Elle portera sur la formation académique et spirituelle des frères anciens et nouveaux, sur la pertinence de certaine règles et le besoin de réviser les règles et les constitutions pour mieux s'adapter à notre époque.

Les articles portant sur la vie religieuse prennent l’allure d’études à caractère plus théologique et biblique que spirituel.

La polémique a germé dans La Voix (Cf Juin 59 Sept 59). Du choc des idées jaillit la lumière. La Voix paraît alors comme un lieu d'échanges et de réflexions communautaires en vue d'une meilleure adaptation de sa vie et de son métier aux changements qui se pointent partout.

Autre changement plus tangible, on vit l’habituelle chronique qui relatait la petite histoire de chacune des maisons de la province se transformer en une chronique plus générale qui couvrait les hauts faits de chacune des provinces canadiennes. Cette extension fit baisser d’une coche l’intérêt des lecteurs pour les chroniques.

1962 L’année des grands changements
Cet automne-là, les collaborateurs de ‘La Voix’ , deux correspondants par province, tinrent à Champigny, leur "Lac-à-l’Épaule". Dans le compte rendu de cette rencontre, on lit une volonté très nette de modifier la teneur et la qualité des articles à être publiés dans ‘La Voix’. On n’a que faire, dit quelqu’un, «des exhortations religieuses qui n’éclairent rien ».

On souhaite aussi donner cours à la libre expression, souhaitant abolir toute forme de censure extérieure autre que celle que peuvent normalement exercer les membres du comité.

Pour donner à la revue un cadre plus rigoureux, on lui fixe des rubriques que l’on définit avec précision. Après discussions, on adopte le canevas suivant de ses grandes articulations:

VIE RELIGIEUSE qui grouperait tous les articles traitant de vie chrétienne en général, de vie religieuse proprement dite et aussi de la vie de l'Institut.
PROFESSIONNELLE: ce titre coifferait tous les écrits se rapportant à l'éducation, relatant des expériences intéressantes en ce domaine ou traitant d'aperçus nouveaux, de questions particulières ou d'événements significatifs pour notre profession.

ACTUALITES: Cette rubrique engloberait les chroniques et les relations commentées de faits importants de la vie de notre Institut: cinquantenaire de vie religieuse, décorations citations, distinctions etc..

INFORMATION: Nous classerons ici des recensions de livres pouvant intéresser les Frères, de brèves indications d'intérêt religieux ou professionnel, les décisions du Comité ou des collaborateurs de la revue. Cf. RAPPORT DE LA REUNION DES COLLABORATEURS ET DU COMITE DE "LA VOIX" Novembre 1962

Conformément aussi aux vœux formulés, on décida de choisir chaque année un thème particulier d’étude qui serait traité par une commission de spécialistes en la matière. La PERSÉVÉRANCE fut le thème adopté pour l’année en cours. Cf. La voix XXXVI v.5 Le frère x nous a quittés
Au mois de juin 62, un vent de panique avait en effet soufflé sur la communauté. Un nombre inhabituel de frères profès perpétuels avaient quitté la communauté. On avait qualifié ces départs de « débandade de juin ».
Les membres de la commission formée pour traiter du thème de la persévérance étaient très qualifiés et de grande réputation. Les articles publiés sous ce thème étaient aussi de haut calibre. De quoi éditer une étude traitant des principales dimensions théologique, biblique, sociale et professionnelle de la persévérance dans la vie religieuse. Mais ce ne fut pas suffisant pour arrêter la saignée des sécularisations.
Aucun traité sur la mort ne l’a jamais arrêtée. La persévérance, comme la vie, tire sa sève d’une autre source; les deux plongent leurs racines dans un ailleurs que la pensée ne peut suppléer. Le cœur a des raisons que la raison ne comprend pas toujours.

Le thème s’essouffla, faute de combattants. On le remplaça par une étude sur la formation. Une étude à vide, puisqu’il n’y avait plus de sujets à former. Le compte à rebours était commencé, le déclin amorcé. ‘La Voix’ allait être dans sa propre existence le témoin de ce déclin des communautés comme elle l’avait été de leur prodigieuse vitalité. Elle revint en 63-64 à sa fonction primitive, celle d’être la courroie de transmission des inspirations et des nouvelles qu’on lui transmettait et qui se faisaient de plus en plus rares.

De 64 à 66, on lui donne deux années sabbatiques. Moribonde, elle est transplantée au Scolasticat central en septembre 67. On la maintint sur la brèche à bout de bras. En juin 68, elle rendait l’âme. Son chant du cygne, un merveilleux poème de Jean-Paul Tessier qui nous ramène à l’essentiel, « l’unicum necessarium » ayant pour titre CE QU’IL ME FAUT.

Signe des temps ou vengeance du destin, son dernier écrit signé par frère Guy Brunelle S. C., au lieu de traiter de la vie religieuse, analyse le roman de Marie-Claire Blais « Une saison dans la vie d’Emmanuel".

‘La Voix’ qui a consacré toute son existence à la promotion de la vie religieuse divague-t-elle sur son lit d’agonie? Je cite :
« Jamais le roman ne m'oblige à condamner les Jésuites, les Frères, les orphelinats, la Confession ou la famille. Mais l'ironie, le sarcasme qui ont entouré ces sujets m’obligent à repenser "ma" société.
Le clan rural d'hier ne peut plus être aujourd'hui. Le perpétuer, c'est engendrer les maux que révèle d'une façon brutale peut-être, mais jamais malsaine, "Une saison dans la vie d'Emmanuel".
Les derniers mots écrits dans La Voix des Frères du Sacré-Cœur sont-ils prophétiques?
" C'est une invitation à nous
tourner résolument vers demain, à vivre une saison neuve avec Emmanuel
. »

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